La critique ludique et les influenceurs
Drôle de sujet auquel je m’attaque là…
Mais l’envie d’en parler m’est venue suite à un tweet d’un acteur ludique (Lapinesco PixieGames pour ne pas le citer) « se plaignant » d’un influenceur peu poli demandant une boîte de jeu pour une critique.
Pourquoi cet article ?
Vous allez rire mais en lisant ce Tweet, je me suis posé la question :
« Suis-je un influenceur? »
Et après réflexion sur le sujet, ma question suivante a été :
« Suis-je légitime à demander des boîtes pour des reviews ? »
J’ai donc décidé de me poser sur le sujet et mettre mes réflexions dans un article.
DJUF, des origines à maintenant…
VaL et moi avons lancé Des Jeux Une Fois le 11 mars 2015 avec un premier article décrivant nos activités (que vous pouvez lire ici).
L’idée était simple, faire un blog sur le monde ludique belge. A l’époque, quelques sites spécialisés existaient mais peu de petits acteurs et encore moins de Belges (en tout cas, pas connus par nos humbles personnes).
L’initiative a été appréciée et soutenue. Rapidement, nous avons rencontré de nombreuses personnes du monde ludique belge, certains sont même devenus des amis proches, des compagnons de jeux réguliers, des partenaires… Bref, je me sens chanceux en écrivant ces mots.
En 5 ans, les choses ont beaucoup évolué chez nous… on est passé d’un blog à un site. L’équipe s’est agrandie, s’est modulée, s’est développée, les activités se sont diversifiées… c’est maintenant 7 personnes qui œuvrent en tant que membres de DJUF et nous avons la chance d’accueillir des guests qui viennent nous prêter leur plume.
Mais en 5 ans, ce sont également d’autres médias amateurs qui sont apparus en Belgique (j’utilise le terme amateur pour qualifier le fait que ce n’est pas leur travail, le contenu de certains est d’un professionnalisme remarquable), par exemple :
– Ludidice (ma super copine hyper productive),
– Girl dot Games (la reine du makeup J2S),
– Inspired Gaming (le professeur),
– La copine Geek (la charmante instagrameuse),
– …
Désolé pour les autres mais vous êtes nombreux maintenant, j’ai cité les 4 que je connais personnellement…
Et là, je ne vous parle que des copains belges… le nombre de pages Facebook, comptes Instagram, chaînes YouTube consacrés aux jeux de société a explosé et vous avez maintenant l’embarras du choix. Les styles et les spécificités de chacun sont également très variés.
Il faut dire aussi qu’en 5 ans, le monde ludique a bien changé… plus de joueurs, plus d’éditeurs, plus de jeux, plus d’acteurs… Ne me demandez pas le lien de cause à effet précis mais je pense que le JDS connait tout simplement une période de croissance (et il semblerait que le pic ne soit pas encore atteint) et que par conséquent, le secteur se développe. Il n’y a qu’à voir la taille des festivals de jeux qui n’arrête pas de grandir et le nombre d’événements ludiques qui explose.
Ma vision de la « critique »
Alors c’est simple, chez DJUF, on parle de jeux de société principalement dans 2 catégories d’articles :
– Les jeux belges (on essaie de couvrir les sorties de tous les éditeurs belges, des auteurs et des illustrateurs),
– Nos coups de cœur.
Pour moi, un article de présentation d’un jeu comprend :
– un pitch du jeu
– une description de son fonctionnement
– une présentation du matériel
– un avis qui permet au lecteur de savoir si le jeu est fait pour lui
– une fiche technique
La définition de critique (ici) : jugement ou appréciation / personne qui porte un jugement sur des œuvres artistiques / art de juger, analyser des œuvres.
Les critiques les plus connues sont sûrement celles du cinéma.
Nos articles sont donc une forme de critique car nous allons les apprécier et les analyser.
Dans le cas d’un coup de cœur, l’avis (autrement dit la critique) va être positif, il n’y a pas photo sinon ça ne serait pas un coup de cœur.
Il faudra néanmoins savoir mettre en avant les défauts du jeu s’il en a (par exemple : ne fonctionne pas bien à 2 joueurs) et ne pas se laisser entraîner par son ardeur sur le jeu (ça, j’avoue, j’ai du mal à le faire).
Et surtout, ne pas perdre de vue que ce n’est pas parce que je l’adore que quelqu’un d’autre va penser la même chose.
Dans le cas d’un article sur un jeu belge, je me retrouve parfois à devoir parler de jeux qui ne me plaisent pas. Car ils ne sont pas mon style de jeu (les party games par exemple) ou je n’ai pas été séduit par le thème (c’est hyper important pour moi).
L’essentiel sera alors de pouvoir identifier les mécaniques, le public cible du jeu et de savoir mettre en avant cela. L’utilisation de la comparaison à d’autres jeux est un bon moyen (ce qui parle le plus facilement aux joueurs).
J’en profite pour signaler que je n’aime pas les systèmes de cotation des jeux, trop dépendants du profil du joueur.
Un petit exemple : Pipi Caca Culotte – c’est un Party Game et c’est graveleux… les 2 choses qui ne m’attirent pas du tout dans un jeu de société. Mais par contre, c’est original comme association et il existe un public pour cela. Et surtout, il y a des moments idéaux pour le sortir.
Dans cet article, mon objectif a été que ce public, qui est potentiellement preneur, ait envie de l’essayer pour se faire son propre avis sur celui-ci.
Extrait « Si vous trouvez que les party games d’apéro sont trop soft, ce jeu est fait pour vous !!!«
J’avoue n’avoir jamais eu à écrire sur un jeu qui ne fonctionne pas… et si un jour cela m’arrivait, je m’exécuterais et pointerais du doigt un bug ou une incohérence. Car là, si le job d’édition n’est pas bien fait, il ne faut pas que les joueurs subissent cela.
J’ai tout de même parfois le sentiment que tout va trop vite et que l’on voit plus souvent qu’avant des correctifs apparaitre pour de nouveaux jeux.
En parlant d’avant, je me rappelle de la première fois où j’ai entendu parler du terme Martingale (exploiter un défaut pour en faire un moyen de gagner). J’ai également eu la chance de ne jamais recourir à ce terme dans un article.
J’ai par contre assez souvent critiqué des choix éditoriaux… souvent par rapport à la taille de la boîte (je déteste les boîtes plus qu’à moitié vides qui prennent de la place dans la ludothèque) ou sur le prix d’un jeu (rappelez-vous du scandale lors de la sortie de « A la gloire d’Odin »). Ce sont pour moi des critères objectifs que nous pouvons apprécier avec un système de valeur commun.
Ma dernière expérience en date est la campagne Kickstarter de Paris de Game Brewer pour laquelle, j’ai eu la chance de recevoir en prêt un prototype, de faire partie des reviewers de la campagne et d’avoir un pré-accès à la page de la campagne pour donner un avis.
J’ai testé le jeu et adoré celui-ci, par contre, je n’étais pas du tout d’accord avec le positionnement financier de la campagne. Ceci a été exprimé sur la page de la campagne et l’était dans l’article consacré.
Heureusement, je n’étais pas le seul à avoir le même avis et juste avant le lancement officiel, l’éditeur a choisi une nouvelle approche qui s’est avérée bien plus intéressante et qui a permis de financer le jeu. J’ai donc corrigé mon article 1h avant publication. Mais si le changement n’avait pas eu lieu, j’aurais choisi de signaler mon désaccord avec le prix. Kickstarter restant un monde à part, cela n’aurait peut-être pas eu d’influence.
J’ai d’ailleurs apprécié la vidéo de « L’école du jeu » qui explique pourquoi un des membres de leur équipe n’a pas apprécié Les tavernes de la Vallée profonde (ici). Dire honnêtement ce qui ne lui a pas plu, non dans le but de casser le jeu, mais juste d’exprimer un avis objectif.
Parfois, le fait de savoir ce qui a déplu à certains, peut tout simplement vous donner également envie (pour savoir si vous avez le même avis ou au contraire, ce qui lui a déplu est quelque chose qui vous plait habituellement dans le jeu).
Je connais d’ailleurs plusieurs personnes qui ne s’intéressent qu’aux avis négatifs pour se faire une idée.
Donc en résumé, pour moi :
– L’importance de dire les choses.
– Une bonne critique permettra aux joueurs d’identifier un jeu qui est susceptible de leur plaire et de leur donner l’envie de l’essayer.
– Ne pas oublier que mon avis n’est pas légion.
Et les lecteurs dans tout ça ?
Vous l’aurez remarqué, j’attire votre attention sur l’importance de dire les choses dans la partie critique. Et le fait que quelqu’un n’apprécie pas un jeu ne veut pas dire que je ne l’apprécierai pas.
En tant que lecteur, je ne pourrais que vous conseiller de lire plusieurs avis pour savoir si un jeu vous correspond ou pas.
Je prendrais un exemple simple : Le Bien et Le Malt.
La première critique que j’ai lue était celle de Gus & Co. Et le jeu s’y faisait complètement descendre (j’ai d’ailleurs peu apprécié le ton employé mais c’est un avis personnel). La semaine suivante, je lis chez Dédale, coup de cœur du mois. Cela a suffi pour attiser ma curiosité. Résultat des courses, un jeu que j’ai adoré et l’un des plus joués en 2018 à la maison.
Je n’aime pas la critique négative surtout quand elle est agressive… mais les avis négatifs peuvent aussi être positifs. Je connais des personnes qui ne consultent que des avis négatifs pour se faire une idée…
D’ailleurs, sur des sites de vente en ligne, j’avoue regarder autant les positifs que les négatifs… donc je peux comprendre la consultation de ceux-ci même pour les jeux de société. Mais ici, on parlera d’avis et non de critique.
Lire des critiques, c’est bien, mais la meilleure manière de se faire une idée est d’essayer le jeu pour vous faire votre propre avis. Il y a de nombreux festivals, des événements ludiques, des ludothèques, des bars à jeux, des clubs, des copains… bref, parfois il vaut mieux patienter un peu pour acquérir un jeu qui sortira de votre ludothèque.
Et pour les Kickstarters me direz-vous…
Et bien même conseil, lisez la page de la campagne, lisez les règles, regardez les reviews et essayez de vous imaginer à une table à jouer à ce jeu (et profitez des salons pour tester les prototypes quand c’est possible). Il est facile de se laisser emporter par la hype ou par une pléthore de StrechGoals. Mais au fond, le jeu peut avoir tout le plus beau matériel du monde, s’il n’est pas bon de base, il ne le sera pas plus avec tout cela.
On a écrit un article sur le sujet à l’époque avec mon bon Al (mars 2016), c’est encore d’actualité, vous pouvez donc le consulter ici.
Et les licences, les séries et les extensions me diriez-vous…
Dans le cas d’une extension, on est souvent emballé de pouvoir prolonger son expérience sur un jeu qu’on adore. La vraie question est « Est-ce que le jeu en a besoin ? Ou est-ce que ça va réellement apporter quelque chose au jeu ? ».
Pour les licences, une version ne vaudra peut-être pas une autre… Par exemple, un Roll & Write de mon jeu préféré va-t-il me plaire d’office ? La réponse va surtout venir de vos goûts. Je suis un immense fan de Settlers, j’ai adoré les 2 versions cartes. Et le Roll & Write fait totalement flop alors que je l’attendais avec impatience.
Pour les séries, un volume deux sera-t-il une bonne chose ? Prenons Azul, j’adore le premier, le second m’a moins convaincu et le troisième est mon préféré. La mécanique commune me plaît mais ce sont des jeux différents. Autre exemple est Très futé que j’ai tellement joué, le Vraiment très futé le même succès à la maison.
Encore une fois, ne pas foncer tête baissée.
Je ne me considère pas spécialement comme le spécialiste du jeu de société. Je sais de quoi je parle mais il y a des personnes bien plus calées que moi et en fonction de ce que l’on cherche dans un avis, il faut aussi se tourner vers un avis compréhensible. Il y a des avis très techniques, des avis légers sur les sensations, des avis globaux, des avis précis.
Donc si le ton d’un reviewer, son approche et ses goûts vous plaisent, il est intéressant de revenir à lui pour avoir un avis qui vous correspondra.
J’aime beaucoup les copains de Les recettes ludiques, je trouve qu’ils ont une chouette approche. Ils se présentent d’ailleurs comme des créateurs de contenu dans la vidéo du Labo des jeux, j’aime cette présentation. A Cannes, j’ai eu l’occasion d’assister à un débriefing live de leur journée. A la simple question, « vous avez vu quoi de beau? ». Ils ont sorti leur GSM et on a parcouru les photos de leurs parties. Des mots justes, du feeling, de la technique, … Ils devraient proposer ce genre de format de vidéo, ça serait l’idéal pour moi. Et par exemple, leur vidéo me parle donc je prends le temps de consulter leur avis (même si je ne suis pas aussi gros joueurs qu’eux).
Et parfois, le meilleur avis à suivre, c’est une personne qui aime un jeu… Ca fait longtemps que j’entends parler de Res Arcana. Et pourtant, toujours pas essayé, ni craqué sur un achat compulsif. Je ne sais pas pourquoi, je n’étais pas attiré. Mais à force de voir des Tweets de V-Mazuca sur ce jeu, j’ai fini par être curieux… je l’ai vu défendre ce jeu, faire campagne pour son élection à l’as d’or, en parler encore et toujours. Alors qu’il n’a aucun lien personnel avec le jeu à part le fait de l’aimer, c’est intriguant. Je l’ai donc au final ajouté à une commande de jeu de confinement et en une seule partie, j’ai compris la raison, ce jeu est succulent. Donc souvent, une personne passionnée par un jeu est la meilleure des critiques.
Les boîtes gratuites
Première chose à prendre en compte : je déteste quémander des boîtes de jeu, et ce même après 5 ans, je me sens toujours fort mal à l’aise avec ce fait.
Je me rappelle la première boîte que l’on a reçue, c’est un Piratoons d’Act In Games. Ce fut un moment spécial car nous l’avons reçu en main propre, d’un petit éditeur et avec des mots d’encouragement. Et ce, après que nous ayons écrit l’article sur le jeu que nous avions testé lors d’une soirée jeux. Un geste purement désintéressé par l’éditeur, juste un remerciement que nous n’attendions pas (et qui m’a fort touché).
Je ne vais pas vous mentir, on reçoit des jeux chez Des Jeux Une Fois. Certains proviennent de distributeurs, d’autres d’éditeurs et d’autres d’auteurs dans le cadre de campagne de financement participatif.
Nous avons des partenariats avec certains acteurs (je ne saurais pas vous dire lesquels exactement mais par souci de transparence, on a créé une page pour les mettre en avant. Et comme je déteste cette partie… ce n’est donc pas moi qui m’en occupe – Big Up à Daniel qui s’occupe dorénavant de cela chez nous). Mais il est clair que recevoir un jeu ne veut pas dire que nous en parlerons, notre politique étant assez claire à ce sujet et nous la communiquons d’ailleurs ouvertement.
Lorsque des jeux nous sont proposés et qu’ils n’intéressent aucun membre de l’équipe (sur base du pitch ou des informations fournies), nous demandons à ce que le jeu ne nous soit pas envoyé. Et si nous recevons un jeu non sollicité, nous n’en parlerons pas si celui-ci ne nous a pas séduit ou s’il n’est pas belge. Il y a suffisamment de jeux qui nous plaisent que pour se focaliser sur ceux-ci.
A coté de cela, il est parfois dommage de ne pas pouvoir tout tester car on rate forcément des bons jeux. Mais parfois, nous sommes sollicités par des éditeurs pour nous soumettre un jeu. Avec les conditions de ne pas forcément en parler si cela ne nous plait pas, nous recevons la boîte et là, c’est la bonne surprise… un jeu dont on n’attend rien et qui pourtant vous embarque. Et quand j’ai la chance d’écrire là-dessus, je suis aux anges.
Et pour illustrer cela, je voudrais parler de OldChap Games qui nous a d’abord soumis Panic Island avec une très chouette communication amicale. J’ai été séduit pas la démarche et seulement ensuite par le jeu. On a été sollicité pour tester la version kids et re-succès. Alors quand on nous propose La Fiesta de Los Muertos, on dit OUI… et on écrit un article sur un jeu super qui ira jusqu’à être nominé pour l’As d’or. C’est là qu’on se dit qu’on a bien fait de s’intéresser à ce petit éditeur qui a fait la démarche de nous contacter. Au fond, est-ce que ce n’est pas pour lui que je fais ce que je fais…
Pour ma part, en tant que membre de DJUF, de temps en temps, on me demande si je veux m’occuper d’un jeu belge (reçu ou demandé), si j’ai du temps (pour le tester et l’écrire), je m’en occupe et j’essaie de le faire correctement. La soumission des titres est souvent orientée sur le profil de joueur des membres. Je suis par exemple souvent au rendez-vous des Geek Attitudes Games et des Game Brewer. Je teste les différents modes de jeu, si possible avec des joueurs différents (car oui, les joueurs autour de la table font aussi la partie). Dans ce cadre, la critique est toujours plus compliquée que celle d’un coup de cœur car le jeu ne nous plaira peut-être pas. J’en reviens au chapitre précédent sur ma manière de traiter les jeux.
La plupart des coups de cœur que j’écris sont sur des jeux que j’achète ou que je reçois lors d’occasion (offerts par ma chérie qui sait que ce sont mes cadeaux préférés ou par les copains). Plus de 90% de ma ludothèque est remplie de jeux que j’ai achetés. Et plus le temps passe, plus je suis sélectif dans l’achat de jeux… avec 500 à la maison, on a de quoi faire.
Je me sens plus légitime d’écrire sur un jeu que j’ai acheté, testé, aimé et ce au point de vous en parler.
J’ai aussi le plaisir de recevoir quelques boîtes de prototypes Kickstarter pour des reviews officielles de campagne. Quelque chose que j’affectionne car ici, il y a encore la possibilité de faire un retour à l’éditeur sur le jeu. L’avis émis a également un impact sur la campagne, la communauté qui se retrouve autour du jeu et qui fera que celui-ci verra le jour (ou pas).
J’écris aussi parfois sur des campagnes que nous n’avons pas eu l’occasion de tester. Et là, l’exercice est d’arriver à compiler suffisamment d’informations sur le jeu pour donner une idée à monsieur et madame tout le monde de soutenir un jeu.
Quand j’ai commencé à jouer, il y avait beaucoup moins de jeux qui sortaient. C’était plus facile de suivre les sorties, de tester une bonne partie. A l’heure actuelle, c’est une tâche impossible. Je suis de nombreux réseaux sociaux spécialisés, je lis les articles sur le net, je regarde des vidéos… et même comme ça, je ne suis pas certain que je ne rate pas de super jeux.
Alors pour un site qui parle de jeux, qui n’est pas professionnel, c’est compliqué. Il est impossible de tout couvrir, de tout tester et encore moins de tout acheter. C’est aussi pour cela que des entités comme la nôtre sollicitent parfois les acteurs pour obtenir des jeux.
Généralement, ce sont les distributeurs qui nous fournissent ces boîtes, mais parfois, l’éditeur lui-même.
Mais qui est donc légitime pour demander des boîtes me direz-vous ? Et bien je n’ai pas de réponse là-dessus. Seul l’acteur ludique sollicité pourra évaluer sur base de ses propres critères s’il y a légitimité ou pas.
A ce que j’ai pu constater, ceux-ci sont de plus en plus sollicités… ce qui les poussent à mettre en place des partenariats.
Et de notre coté, ne pas recevoir une boîte ne nous empêchera pas d’en parler. Il nous est déjà arrivé de faire appel aux guests du blog ou d’emprunter une boîte (voire s’il le faut, le tester en salon pour en parler). Ou même d’avoir une boîte en prêt que nous avons fait passer à un autre reviewer ensuite.
Autre aspect chez DJUF, si on a reçu une boîte, le rédacteur peut conserver la boîte pour sa ludothèque personnelle. Ou le mettre pour la boîte à DJUF qui sert à nos animations. De temps en temps, on fait le nettoyage des vieux titres qu’on met en vente en occasion (à des petits prix), cet argent sert ensuite à couvrir les frais de site, cartes de visite et textiles (drapeaux – t-shirts – sweats). Mais clairement, ça ne couvre même pas l’ensemble de ces frais. On vient d’ailleurs de mettre des liens d’achat sur notre site afin de faire rentrer un peu d’argent pour couvrir tout le matériel que nous investissons sur fonds propres.
Pour ma part, les prototypes KS que je reçois finissent ailleurs car je finis souvent par pledger le jeu. Par exemple, le Fuji Koro reçu pour la vidéo que nous avons réalisée est au bar à Jeux à Saint-Gilles et le Paris est parti chez un autre reviewer.
Les influenceurs
Je n’aime pas le terme influenceur… car pour moi, c’est synonyme d’avis biaisé… la personne reçoit quelque chose pour en faire la promotion.
Allez voir sur Wikipédia, la définition est claire (ici).
Je ne me considère pas comme un influenceur et si c’est comme ça que vous me voyez, alors il est temps que j’arrête d’écrire.
Mon but n’est pas d’obtenir des boîtes gratos, mon but n’est pas de vous convaincre d’acheter un produit, mon but n’est pas d’avoir plus de followers qu’un autre pour avoir encore plus de boîtes gratos.
Je pense que se considérer comme un influenceur dans le jeu de société est toxique pour la beauté de notre passion, sa richesse et sa complexité.
Quel est le rôle de quelqu’un qui écrit sur les jeux à part d’écrire sur les jeux ?
Si vous vous éloignez de ce but principal, vous faites fausse route.
Oui, il y a de nombreuses façons de parler de jeux et ça c’est bien. Par contre, il ne doit pas y avoir tant de raisons différentes.
Je vais être obligé de parler de Kickstarter du coup… et des reviews… peut-être que certains ne le savent pas encore. Mais lors de campagnes Kickstarter, vous pouvez vous tourner vers des reviewers spécifiques. Et ces reviews spécifiques sont souvent payantes.
Alors oui, tout travail mérite salaire, là je suis d’accord… alors qu’un reviewer qui a du matériel et est spécialisé dans le sujet demande un défraiement pour son travail, je valide.
Par contre quand les prix s’envolent à 500€, 750€ voir 1000€… j’avoue ne pas comprendre ce que l’on paie.
La qualité de la vidéo peut-être. Non, je ne crois pas vu que certains reviewers gratuits vous feront un travail assez similaire.
Le nombre de personnes touchées par la-dite vidéo ? Oui, c’est certain.
Mais où est la critique alors… si je paie 1000€, je ne m’attends pas à ce que mon jeu se fasse descendre. Si c’était le cas, avouez que peu de personnes feraient appel à eux. 1000€ pour avoir une critique négative, un scandale 🙂 Mais si l’avis ne sera pas négatif à la fin, que toutes les vidéos produites ont la même valeur, alors où est la critique là-dedans ?!?
Ici, j’ai vraiment le sentiment d’être face au terme influenceur dont l’objectif sera de vous convaincre de pledger.
Ne faut-il pas se tourner vers des personnes qui vont faire ça de manière naturelle, avec leurs moyens mais qui diront ce que le jeu a dans le ventre, qui pointe ce qui leur a plu et ce qui leur a déplu ?
J’en reviens à mon exemple de tantôt avec les Recettes Ludiques, ne serait-ce pas çà que j’attends au fond…
Ne vaut-il pas mieux faire confiance à des passionnés qui le font encore par passion et qui n’attendent rien de tout ça.
Alors oui, il existe des structures professionnelles qui présentent les jeux. Et qui sont payées pour le faire. Et avoir des professionnels, c’est bien. Mais pour moi, un avis ne doit pas être émis à la fin… On peut présenter le jeu, donner ses caractéristiques, parler des mécaniques, mettre en avant certains points. Mais peut-on donner un avis sincère alors que l’on a été payé pour parler du jeu ? Même si dans 80% du temps, le jeu sera apprécié… il restera toujours des jeux qu’on apprécie moins, pour lesquels on voit moins l’intérêt.
C’est par exemple pour ça que j’aime les Ludochronos de Ludovox qui ne font que présenter le jeu, son matériel, ses mécaniques et ça dans un format court.
La concurrence
On m’a déjà demandé si je n’avais pas peur de la concurrence et la réponse est non… car je n’ai pas de concurrence.
Je ne suis qu’un passionné qui partage sa passion. J’ai la chance de le faire dans une chouette structure, avec une chouette équipe et avec du plaisir.
Donc, que quelqu’un ait plus de fans que nous n’est pas important. Que quelqu’un reçoive plus de jeux que nous, n’en parlons même pas.
L’important, c’est de faire gagner le jeu. Et plus on en parle, mieux c’est.
Et chaque avis compte, chaque phrase compte, chaque mot compte.
Si toi aussi demain tu as envie d’écrire, rejoins une structure (on est toujours ouvert chez DJUF d’ailleurs) ou lance la tienne.
Mais ne le fais pas pour la gloire, ou pour les boîtes gratuites, fais-le par passion.
Ca me rappelle d’ailleurs l’édition 2019 du Brussels Games Festival. Durant la soirée d’inauguration, nous avons fait un live accompagné d’autres structures ludiques et ça, c’est vraiment quelque chose qu’on apprécie de faire.
J’avoue, ça me donne envie de refaire ce genre d’expérience… (on avait d’ailleurs remis le couvert pour l’inauguration du Bar à jeux avec l’amie Girl Dot Games).
L’amour du jeu
Après cette tartine, il va falloir conclure…
Mais avant, sachez que mes propos de cet article ne sont qu’une réflexion personnelle sur ce que je fais, les activités de Des Jeux Une Fois vues par moi et une vision de la situation actuelle du marché par rapport à la critique.
Et je respecterais tout à fait que vous ne soyez pas d’accord avec mon point de vue. N’hésitez d’ailleurs pas à donne votre avis (en restant polis et courtois :p).
En résumé, une critique a plus de poids si elle est désintéressée. Le meilleur avis au final, c’est peut-être le joueur qui va vous dire pourquoi il a aimé ou pas un jeu. Avec des mots simples.
L’obtention d’une boîte ne doit pas être la condition systématique à une critique. Pensez aux petites structures, elles méritent aussi de la visibilité. Testez des jeux sur salon ou dans des soirées jeux.
N’hésitez pas à demander conseil à vos boutiques, moi j’en connais des supers qui vous conseilleront au mieux ce qui est fait pour vous et qui laisseront le chiffre d’affaire passer après votre satisfaction. Un client satisfait revient toujours à son boutiquier préféré. J’en profite pour saluer Patrick de Dédale qui m’a déjà fait changer d’avis sur des choix ou m’a fait faire de belles découvertes.
En résumé, je ne me vois pas comme un influenceur, et j’espère que vous ne me verrez pas comme ça après la lecture de tout ça. Même si au fond, ce que j’écris aura probablement une forme d’influence…
Et je ne sais pas si je suis légitime à demander une boîte (ou si DJUF l’est), c’est aux acteurs de décider de cela et je ne tiendrais jamais rigueur à aucun d’entre eux s’ils ne veulent (ou ne peuvent) pas en donner. Mais je prendrai le temps nécessaire à évaluer un titre et je ferai de mon mieux si j’en parle pour que le joueur sache s’il est fait pour lui.
Pour ma part, je continuerais toujours à privilégier la critique positive et de parler de jeux que j’aime… il y a suffisamment de bons jeux pour ne pas devoir perdre son temps à détruire un jeu qui ne m’a pas plu.
Et n’oubliez pas, derrière chaque boîte de jeu, il y a des personnes : auteurs, illustrateurs, graphistes, éditeurs, playtesteurs, distributeurs, boutiquiers… des heures et des heures de travail.
Je tiens donc à saluer tous les gens qui font des jeux et tous ceux qui en parlent une fois.
Et surtout, même si au fond, c’est un business… n’oublions pas que nous sommes là pour nous amuser ou amuser les autres.
Cowmic
Commentaires
Bonjour ! J’ai trouvé ce témoignage hyper intéressant. Pourtant, j’ai trouvé certains points peu clairs. Par exemple, ta position sur les critiques dites négatives. Si une critique négative est suffisamment argumentée et n’a pas pour but de simplement descendre le jeu, est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Pq y’en a-t-il pas plus selon toi ? Est-ce qu’on peut faire une critique négative d’un jeu que l’on a reçu gratuitement sans craindre une réaction négative de la part de l’éditeur (comme ne plus jamais voir ses critiques relayées par cet éditeur ou ne plus recevoir de boites). Concernant les boites gratuites j’aimerais aussi savoir si c’est une nécessité pour l’existence de cette page ou non ? Est-ce, sans ces boites, tu pourrais suffisamment l’alimenter pour que cela soit intéressant. J’aimerais aussi que tu réagisses sur le possible risque d’un biais « de gratitude » que tu pourrais avoir envers un éditeur qui t’envoie un jeu… Enfin, je voudrais revenir sur l’une des dernières phrases de ce billet qui dit en substance de ne pas oublier tous les acteurs qui ont travaillés sur le jeu ? Qu’est-ce que sous-entend exactement ? Qu’il faut ne pas être trop violent de ces critiques ? Quel niveau d’indulgence cela implique et comment cela se traduit-il dans tes critiques ?
Bonjour,
Avec les réactions, je me rends compte que l’article est loin d’être assez complet (en étant déjà trop long :p).
Alors pour la critique négative, c’est pas mon truc. Prends le temps d’écrire sur un article pour dire qu’il n’est pas bien, ça me branche pas. Par contre, une argumentation négative ne me pose aucun soucis. Tant que c’est fait avec respect, je n’ai rien contre (au contraire si ça mets en avant un défaut ou quelque chose qui ne va pas me plaire).
Alors, je me mets à la place de l’éditeur qui a donné une boîte qui reçoit une critique négative… effectivement, ça ne doit pas faire plaisir. Néanmoins, je me nourrirais de celle-ci. Et si je ne suis pas d’accord, je défendrais moins point de vue. Après, je respecterais un avis fait sur base d’un retour personnel… Le gars a pas aimé le jeu, c’est normal, un jeu ne peut pas plaire à tous. Et si il a bien décrit le produit, l’avis négatif (si il est justifié) servira à d’autre et pourra même en convaincre certain.
Concernant les boîtes gratuites, je pense qu’il y a moyen de faire sans… et je pense d’ailleurs que certain le font… mais il faudra prendre plus de temps pour les tests (aller dans des lieux le permettant de jouer, des festivals, des ludothèques) et le plus délicat sera toujours les illustrations d’articles (les photos) et le nombre de partie pour donner un avis sur de l’expérimentation du jeu. Comme dit, perso, je me sens toujours plus légitime d’écrire que quelque chose que j’ai acheté (mais je pense que ça vient de ma personnalité).
L’effet gratitude, je n’aime pas… il est toujours clairement précisé à l’éditeur que si un jeu ne plait pas, nous n’en parlerons pas pour faire plaisir. Par contre, j’avoue souvent mettre le coté humain de certaine maison d’édition car pour moi, c’est important.
Le fait de ne pas oublier les acteurs, je veux surtout dire que si des gens ont travaillés dessus et l’on fait correctement, il mérite plus qu’un : « j’ai pas aimé » ou « c’est de la merde ». Justifier des propos et ne pas oublier qu’on parle d’un produit qui ne se mets généralement pas dans une boîte sans travail.
Je te remercie pour tes questions, elles ont encore plus poussé ma réflexion.
Merci pour tes réponses. Elles sont très éclairantes et mettent bien en valeur la sincérité de ta démarche !