Les Voyages de Marco Polo… plus loin que la nuit et le jour…
Double coup de cœur pour cet article de la semaine, en effet, voilà déjà quelques temps (cela remonte à 2015) que Valda et moi-même sommes tombés sous le charme d’un jeu qui est passé quasiment inaperçu à sa sortie et qui est maintenant très difficile à trouver, à savoir « Les Voyages de Marco Polo ».
Désigner par le duo responsable de Tzolk’in, Daniele Tascini et Simone Luciani, il était évident que je devais lui donner une chance et je ne fus pas déçu du voyage, loin de là !
Fin du XIIIième siècle, les marchands Niccolo et Matteo Polo entament leur deuxième voyage vers l’Est. En leur compagnie, se trouve le jeune fils de Niccolo, Marco. Cette expédition est lancée à la demande du grand souverain Kubilai Khan, qui souhaite en apprendre davantage sur le christianisme. Les trois Polo parcourent d’innombrables trajets donnant fruit à des récits des plus fascinants. Près de 25 ans vont passer avant que Marco Polo ne revoie Venise. Ses mémoires font partie des aventures les plus célèbres de l’histoire du monde.
Le jeu en cours |
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que le but du jeu est de faire un maximum de points de victoire et il n’y a pas 36 manières de scorer, non mais ce qui a particulièrement titillé mon âme de joueur, c’est la manière dont on va utiliser les dés… parce que oui, forcément, si c’est un de mes coups de cœur, c’est qu’il y a des dés (ok, pas toujours, mais souvent ^_^). Je pense que vous commencez à le savoir !
Le principe général ?
Simple, nous disposons de 5 dés de notre couleur que nous allons lancer au début de chacun des 6 tours de jeu. Avec ces dés, nous allons sélectionner une action puis l’exécuter… rien de fantastique. Mais attention, première contrainte : certaines actions nous demandent un certain nombre de dés, donc, tout le monde ne jouera pas le même nombre d’actions… Hum, ok mais déjà vu.
Seconde contrainte, là où ça devient vraiment intéressant, c’est que la « puissance » d’une action qui va vous demander, par exemple, 3 dés sera déterminée par la valeur du plus petit dé que vous aurez placé. Oula, ça demande un exemple : Ici, le joueur bleu envisage d’acquérir du tissu au Grand Bazar, pour cela, il doit jouer 2 de ses dés et place son « 4 » et son « 5 ». Mais, il ne récoltera que la récompense accordée dans la colonne numéro 4, à savoir 3 tissus.
Le Grand Bazar |
Donc, là, ça commence à devenir assez calculatoire car vous allez claquer des dés pour prendre une action mais il faudra bien choisir lesquels vous allez placer.
Dernière contrainte ou avantage, oui, c’est difficile à dire car en fait, aucune action n’est « bloquable », donc tout le monde peut aller partout, même si quelqu’un s’y trouve déjà. Par contre, vous devrez payer en argent la valeur de votre plus petit dé et qui plus est une couleur de dé ne pourra pas être présente plus d’une fois sur la même case.
Exemple : Le joueur jaune souhaite également prendre du tissu, il place donc son « 3 » et son « 4 » de manière tout à fait légale sur le joueur bleu, mais il doit par contre payer 3 pièces d’or, soit la valeur de son plus petit dé.
C’est bon, j’ai compris et maintenant, qu’est-ce que je peux faire ?
Point de précipitation, jeune Padawan ! (ah non, ça, c’était l’article précédent). Bref, avant toute chose, en début de partie, on va distribuer à chaque joueur un peu d’argent, quelques chameaux qui sont un peu la seconde monnaie du jeu, un plateau personnel, sur lequel nous allons entreposer des comptoirs, un contrat de départ et deux objectifs secrets de voyage.
Le plateau personnel |
Maintenant, on arrive à l’étape la plus importante de ce début de partie : nous allons choisir le personnage que nous allons incarner pour cette partie. Tous ces personnages « historiques » sont nombreux et très variés, ce qui apportera évidemment pas mal de variétés aux parties MAIS ils ont tous un point commun : ils sont tous extrêmement puissants ! Entre Matteo Polo qui jouera un dé supplémentaire ; Raschid ad-Din Sinan qui choisira la face de ses dés au lieu de les lancer ou encore le Marchand de Tabriz qui recevra une ressource dès que quelqu’un occupera le « Grand Bazar », ils sont vraiment tous intéressants et dirigeront un peu votre stratégie.
Les 3 exemples de personnages décrits ci-dessus… |
Ok, passons aux choses sérieuses !
On peut scinder l’énorme plateau en 2 zones : la zone voyage et la zone d’actions.
La « zone Voyage »
Chaque joueur débute son voyage à Venise. De là, il pourra, ensuite prendre la route ou la mer afin de relier différentes villes. A chaque fois qu’il terminera son voyage dans une ville, il pourra y placer un de ses comptoirs.
Aaaah, Venise |
La Zone de Voyage |
Ces comptoirs seront une part essentielle du jeu : on distingue 2 types de villes, celles qui comportent des bonus de début de tour et celles qui comportent des cartes action. En ce qui concerne les cartes action : seuls ceux qui auront disposés un comptoir dans la ville seront autorisés à utiliser l’action de la carte. Attention, dans ce cas, l’action sera définitivement bloquée pour le tour, c’est pratiquement la seule exception.
La ville de Lan-Zhou : le joueur arrivant en premier dans cette ville profitera aussi d’une tuile bonus lui donnant 3 pièces d’or en plus d’avoir accès à la carte action présente dans la ville.
La ville de Ormuz : Le joueur bleu gagnera 3 points de victoire au début de chaque tour (signalé par le point d’exclamation). Un gain non négligeable.
Dernière chose, poser un comptoir dans une ville vous permet également de peut-être réaliser votre objectif secret de voyage que vous aurez reçu en début de partie.
Voyager, ça a l’air fort, mais comment je voyage ?
Et là, on arrive dans la zone « actions » du plateau.
La zone « actions » du plateau |
Le Voyage
Pour voyager, il vous faudra obligatoirement jouer 2 dés, comme pour toutes les autres actions, la puissance de celle-ci sera déterminée par votre plus petit dé. Ensuite, le résumé de l’action vous indique à combien de mouvements vous avez droit et combien vous devrez payer… car oui, voyager, ça coûte, tout le monde le sait.
Le joueur jaune place son « 3 » et son « 4 » sur la zone du Voyage, il peut donc au maximum effectuer 3 déplacements, mais il devra payer 12 pièces d’or. Son pion se trouve sur la ville de Lan-Zhou et peut atteindre Samarcanda mais il devra payer 2 chameaux pour atteindre Kashgar, puis 4 chameaux pour atteindre l’oasis et encore 2 chameaux pour arriver à destination.
Chose non négligeable, le premier joueur du prochain tour sera celui qui aura été le dernier à voyager.
Le Grand Bazar
Cette zone, déjà quelque peu présentée ci-dessus, vous permettra de collecter les ressources nécessaires à la réalisation des contrats, par exemple. Il y a principalement 4 ressources dans le jeu : les chameaux, les épices, le tissu et l’or. L’or étant une ressource onéreuse, il vous faudra placer 3 de vos dés pour pouvoir en recevoir. Comme déjà cité, vous n’activerez que la colonne correspondant à votre plus petit dé joué.
La Faveur du Khan
Ici, c’est assez simple, vous placez un unique dé et vous recevez 1 tissu, 1 épice ou 1 or et 2 chameaux. Il n’y a qu’une seule règle, la valeur du dé que vous placez doit être supérieure ou égale à la valeur du dé précédemment placé. Seconde exception concernant la règle de l’empilement, ici, point d’empilage de dés !
La faveur du Khan : Si un autre joueur vient se placer,
il devra obligatoirement jouer un « 3 » ou plus.
il devra obligatoirement jouer un « 3 » ou plus.
Les contrats
Le moteur à PV le plus évident. Vous aurez la possibilité de récolter 1 ou 2 contrats, votre choix se portera entre le 1ier contrat et le contrat correspondant à la valeur du dé joué. Ces contrats doivent ensuite être placés sur votre plateau personnel (nous ne pouvons accueillir que 2 contrats maximum en même temps), si votre zone de contrats est pleine, il faudra évidemment choisir. Une fois rempli, ces contrats peuvent aussi bien vous rapporter des points de victoire, que d’autres ressources ou encore des petits privilèges.
Le joueur jaune a donc la possibilité de prendre 1 ou 2 contrats entre la position 1 et 3.
Recevoir de l’argent
Une action peu intéressante mais qui peut sauver votre tour. Le premier joueur à s’y placer gagnera 5 pièces d’or. Ensuite, le joueur suivant devra payer la valeur du dé qu’il y place et puis recevra 5 pièces, etc. Vous l’aurez compris, action sans intérêt si il vous reste 1 « 5 » à jouer ^_^
La Zone à Argent |
A toutes ces actions du plateau, viendront s’ajouter au fur et à mesure les actions des cartes se trouvant dans les différentes villes du plateau. Comme la distribution est aléatoire, il y aura forcément des parties où ces cartes seront intéressantes et parfois non. Dans le cas d’activation des cartes, la valeur du dé joué représentera souvent le nombre de fois que vous pourrez activer l’action (sauf exception stipulée dans les règles).
Exemple : Toujours dans la ville de Lan-Zhou, le joueur jaune place son « 4 » sur la carte Action qui stipule qu’en jouant un dé de « 1 » à « 5 », le joueur recevra 1 lingot.
La ville de Sumatra est un peu particulière car elle vous permettra d’avoir accès non pas à une mais à trois cartes action. Dans le cas présent, vous pourrez échanger X fois 1 chameau et 1 épice contre 7 pièces d’or ; avec un autre dé, vous pourrez échanger 2 tissus contre 3 PV ou encore échanger 3 chameaux et 1 épice contre 4 PV.
Voilà, on en a fini avec le tour des actions…en fait, non, il me reste à vous parler des actions gratuites !
Parmi les actions gratuites, on retrouve notamment la validation des contrats, l’obtention de 3 pièces d’or et la dépense de chameaux.
La Bourse
C’est une action gratuite mais qui vous coûtera tout de même un dé… peu importe lequel, peu importe sa valeur, peu importe que vous soyez le premier, etc., vous recevrez 3 sous. Point. Mais cela ne vous coûte pas d’action.
La bourse |
Les Chameaux
Les chameaux sont très importants dans le jeu. Ils vous serviront pour les contrats, pour payer les frais de voyage et aussi pour réaliser quelques actions gratuites :
- Relancer un dé en dépensant 1 chameau
- +1 /-1 sur un dé en dépensant 2 chameaux
- Acheter un dé noir en dépensant 3 chameaux : ce dé noir est une sorte de dé joker que vous pourrez jouer avec vos autres dés, mais vous le perdrez à la fin du tour.
Les petits chameaux |
Après le sixième et dernier tour, on vérifie qui a réalisé le plus grand nombre de contrats (ce joueur recevra 7PV supplémentaires) ; tous les joueurs ayant réussi à poser tous leurs comptoirs reçoivent 10PV. On vérifie qui a rempli ses objectifs secrets, et tous les joueurs ayant posé un comptoir à Bejing gagneront des PV et pourront convertir le reste de leurs ressources en PV.
Bejing |
Voilà, vous savez tout !
L’avis de Al, le chacal
A sa sortie, le jeu a connu des retours plus que mitigés. On ne voyait pas trop l’intérêt, ni l’originalité du jeu. Valda et moi avons par contre été tout de suite conquis… Ce qui est encore plus impressionnant étant donné que Valda n’est pas une fana des dés comme moi.
Les graphismes et le matériel sont, je trouve, de toute beauté. C’est très coloré et l’iconographie est vraiment claire. A nouveau, Filosofia, l’éditeur, a fait un excellent travail de traduction et une fois la règle lue, on n’y revient quasiment pas, hormis pour vérifier le pouvoir de nouveaux personnages.
Même si le jeu pousse vers la réalisation de contrats afin d’engranger des points de victoire, il y a moyen de se débrouiller autrement ! Cela demande une certaine expérience du jeu mais il est possible de gagner en ne faisant que les voyages. Les cartes présentes sur les villes possèdent aussi de gros moteurs à PV (mais pas que) qui peuvent bien aider lorsque le plateau est déjà chargé en dés. Il y a donc bien une courbe d’apprentissage. Mais ce que je trouve vraiment le plus grisant, c’est que suivant le personnage de départ, votre partie sera radicalement différente car leurs pouvoirs sont tellement puissants que vous voudrez en profiter et donc vous vous adapterez en conséquence.
La mécanique fonctionne parfaitement (je n’en attendais pas moins de ces 2 auteurs) et même si elle peut sembler froide ou très artificielle, elle fait diablement réfléchir. Si on ne peut que rarement bloquer un adversaire, il y a tout de même une course concernant les cartes Action des villes ainsi que pour les voyages, car les frais engendrés par ceux-ci font que bien souvent, si vous pouvez économiser quelques pièces en étant le premier à voyager, et bien vous le faites ;o). Il en est de même pour le choix des dés que vous utiliserez, vous avez besoin d’un « 2 » mais quel autre dé allez-vous placer avec lui ? Gaspiller un « 5 » ou un « 6 » qui potentiellement vous donnera beaucoup de ressources au Grand Bazar mais uniquement si vous êtes le premier à y aller car, sinon, vous devrez payer 5 ou 6 pièces pour pouvoir vous y placer… Tout ce dilemme et cette mécanique font que Les Voyages de Marco Polo n’est peut-être pas le jeu du siècle, mais il reste un excellent jeu de gestion où réflexion, adaptation et opportunisme sont les « maîtres mots ».
Le jeu n’a malheureusement pas suffisamment marché pour qu’un reprint soit envisagé mais par contre, les auteurs se sont tout de même amusés à sortir une nouvelle sélection de personnages afin de varier les plaisirs. A nouveau, cette micro extension est assez difficilement trouvable à des prix corrects.
Les personnages de l’extension… tout aussi puissants et intéressants que les originaux.
Par contre, si jamais vous tombez dessus lors d’une brocante… faites-moi plaisir et essayez-le, une fois !
Dernière petite remarque : si la gestion de dés vous intéresse ou vous amuse, je vous conseille de vous intéresser à ces deux auteurs et plus particulièrement Simone Luciani qui a également désigné Grand Austria Hotel (2015) et plus récemment Lorenzo il Magnifico (2016). Deux jeux où encore une fois, la mécanique des dés est bien ingénieuse.
Bon jeu
Al
PS : Si jamais vous avez envie maintenant de chanter « voyage, voyage » de Desireless… C’est normal ! Mouhahahaha !
Fiche Technique
Joueurs : 2 à 4
Durée : 25min / joueur
Age : 12 ans
Editeurs : Hans im Glück / Filosofia
Distributeur : Asmodée
Auteur : Daniele Tascini et Simone Luciani
Illustrateur : Dennis Lohausen