Starship Interstellar
Nous sommes en 2357. Suite à l’utilisation incontrôlée de la technologie d’extraction solaire, le soleil arrive en fin de vie. Son diamètre va bientôt augmenter au point d’engloutir les planètes les plus proches, peut-être la Terre elle-même. Seul espoir de l’Humanité, construire un gigantesque vaisseau pour fuir ce système mourant et coloniser le système stellaire Trappiste.
Bon, comme dans un titre précédent d’Intrafin, Evacuation, ça parait à nouveau mal engagé pour l’Humanité. A quel point les deux jeux sont-ils similaires ou complémentaires ? Je vous invite à découvrir avec moi les grands principes de Starship Interstellar, après quoi je vous livrerai mon avis sur le jeu.
Principes du jeu
Vous êtes à la tête d’une des Sociétés chargées de la construction du vaisseau d’évacuation de la Terre. A vous de saisir cette opportunité pour accroitre votre influence (symbolisée par des points de Prestige) et peut être guider l’Humanité vers sa nouvelle demeure.
Pour cela, vous devrez collecter les ressources nécessaires (5 ressources différentes, de valeur croissante) dans tout le système solaire et les utiliser pour contribuer à la construction des modules du vaisseau, au sauvetage des populations et à la recherche de la meilleure trajectoire vers le système Trappiste. A propos, saviez-vous que ce système planétaire doit son nom au télescope belge TRAPPIST qui a le premier découvert les planètes orbitant autour de cette étoile en 2015 ?
Le jeu se déroule en une série de manches, chacune composée de trois phases : Action, Salut et Gouvernement. Les règles étant assez conséquentes, je livre ici les grandes lignes du jeu, sans entrer dans les détails (nombreux) qui ajoutent à l’immersion.
Une manche de Starship Interstellar
Lors des deux premières phases, les joueurs exécuteront tour à tour des actions grâce à l’utilisation de jetons dédiés. Au début de la partie, tout le monde possède les mêmes jetons, mais les joueurs pourront acquérir d’autres jetons, personnalisant ainsi leurs actions.
Phase d’action
Pendant cette phase, les joueurs pourront réaliser des actions globalement tournées autour de la collecte de ressources. Pour réaliser une action, le joueur place le jeton correspondant au-dessus de sa pile d’action. Ces actions pourront être :
- Extraire des ressources du soleil. Un moyen facile d’acquérir des ressources, mais qui a pour conséquence d’accélérer la fin du soleil, et qui coute de la réputation (les populations ne sont pas vraiment enthousiastes à l’idée vous utilisiez la technologie qui a conduit à la fin du monde, les ingrats)
- Voyager. Grâce à cette action on déplace son vaisseau explorateur de planète en planète, en dépensant du carburant. Cela permettra d’établir des bases sur de nouvelles planètes, et de ramener les ressources produites vers la Terre. Il faudra être prévoyant, car le carburant nécessaire au voyage aller ET retour devra être embarqué dès le départ de la Terre. Et les planètes se déplacent sur leur orbite à la fin de chaque manche, modifiant les distances de voyage ! Cette action est reproductible, c’est-à-dire que tant que le jeton est au-dessus de la pile d’action, on peut la recommencer au tour suivant.
- Production planétaire. En début de partie, on ne possède qu’un jeton de production Terrien. En établissant des bases sur les autres planètes du système, on reçoit un jeton de production planétaire correspondant. L’utilisation de ces jetons permet d’extraire des ressources de la planète. Ces ressources sont stockées par défaut sur la planète de production, et devront être rapatriées sur Terre pour y être utilisées.
- Marché. Le marché permet d’acheter ou de vendre un nombre au choix de cubes de ressources d’une même couleur au marché mondial. Le marché est alimenté par les joueurs et seuls les ressources qu’il contient sont disponibles à l’achat. Cette action est également reproductible. On peut donc par exemple vendre une ressource un tour, et en acheter une autre au tour suivant.
- Recherche technologique. En échange de ressources, on peut acquérir de nouvelles technologies. Ces technologies permettent d’améliorer l’efficacité de l’extraction des ressources planétaires, ou des actions de la phase de salut. Cette action est reproductible.
Quand on ne peut plus ou veut plus faire d’action, on place son jeton “Passer” sur sa pile de jetons d’action et on le pivote d’autant de crans qu’il reste de jetons actions inutilisés. Tant que les autres joueurs n’ont pas passé, chaque fois que son tour revient, on pivote le jeton “Passer” d’un cran supplémentaire. Lorsque tous les joueurs ont passé, chaque joueur peut choisir un bonus au choix parmi ceux atteint par le jeton “Passer”. On retourne alors les jetons Action et on passe à la phase Salut.
Phase Salut
Au verso des jetons Actions (à l’exception des jetons de production planétaire) figurent les actions de Salut. Les jetons Salut (du moins ceux de base) fonctionnent légèrement différemment des jetons Actions. En jouant un jeton Salut de base, on peut en effet effectuer n’importe quelle action de Salut. Mais si on réalise l’action principale du jeton Salut, on gagne un point de Prestige.
Les actions de Salut sont les suivantes :
- Construire un module. En dépensant la bonne combinaison de ressources, on ajoute un module au vaisseau. On gagne au passage des points de Prestige.
- Sauver une population. En dépensant une ressource de la bonne couleur, on sauve une population en la plaçant en cryogénisation sur le vaisseau. On gagne pour cela de la Réputation. Posséder une Réputation positive vous fait gagner des points de Prestige à la fin de chaque manche. L’inverse vous en fait perdre.
- Avancer sa sonde. En échange de carburant, on avance sa sonde vers le système Trappiste, révélant et collectant au passage des bonus variés.
- Envoyer un représentant au gouvernement. On place un de ses scientifiques sur la ligne du gouvernement la plus basse sur laquelle on n’est pas présent et on gagne les bonus associés. C’est aussi un moyen de rafler le siège convoité de gouverneur, très lucratif à la dernière phase de la manche.
Comme pour la phase d’Action, lorsqu’un joueur passe il place son jeton Passer au sommet de sa pile de jeton et le pivote d’un nombre de crans égal au nombre de jetons Salut qu’il lui reste, le pivotera lorsque son tour revient et touchera un bonus au choix selon la position finale de ce jeton.
On passe alors à la phase de Gouvernement.
Phase de Gouvernement
Lors de cette phase, le joueur qui possède le scientifique situé le plus haut et le plus à gauche sur la piste du gouvernement endosse le rôle de gouverneur.
Un peu à la manière de Terraforming Mars, le gouverneur va faire avancer gratuitement les trois grands projets de sauvetage (construction du vaisseau, sauvetage de la population et avancée de la sonde vers Trappiste). Mais contrairement à TM, le gouverneur récolte tous les bénéfices de ces avancées ! Il s’agit donc d’un poste très convoité !
Lors de cette phase, on procède également à l’avancée de la spirale solaire (qui rythme son déclin) et au déplacement des planètes sur leur orbite. Les joueurs gagnent ou perdent du Prestige en fonction de leur position sur la piste de Réputation.
On démarre alors une nouvelle manche.
Fin de la partie
La fin de partie se déclenche à la fin d’un tour au cours duquel une des conditions suivantes est remplie :
- Le jeton de la spirale solaire a atteint la Terre
- Deux des trois grands projets de sauvetage sont terminés
- Au moins une sonde a atteint Trappiste
- Au moins trois modules de vaisseaux sont terminés
- Un nombre suffisant de populations ont été chargés dans le vaisseau
La partie se poursuit jusqu’à la fin de la phase du gouvernement de la manche en cours.
On procède au décompte des points, au cours duquel on convertit ses ressources restantes en carburant, lui-même ensuite convertit en Prestige au taux de cinq pour un point. Les joueurs touchent également des points de bonus en fonction de la position de leur sonde sur le trajet vers Trappiste. Le joueur avec le plus haut score de prestige emporte la partie et guidera l’Humanité dans son nouveau départ.
Mon avis sur Starship Interstellar
Le jeu
J’aime
Starship Interstellar est un jeu de gestion spatiale immersif. J’aime beaucoup ces petits détails qui renforcent ce côté réaliste du jeu. Par exemple le fait qu’il faut penser à embarquer dans son explorateur le carburant nécessaire au voyage de retour. Et tenir compte qu’entre temps, les planètes se seront déplacées et que les distances auront changé. Etant donné que les planètes les plus éloignées possèdent aussi les ressources les plus précieuses, cela pousse à bien réfléchir au timing de ses voyages.
De la même manière, on va essayer de tirer le meilleur parti des actions reproductibles, surtout le voyage, qui est la base de son expansion. Au départ on ne possède qu’un seul jeton permettant cette action, il est donc crucial pour son développement d’en tirer le meilleur parti.
Je trouve intéressante également la mécanique du jeton “Passer”, qui octroie un bonus d’autant plus intéressant que l’on passe tôt dans le tour. Cela permet de compenser au moins partiellement les tours où on a pu moins efficacement exploiter ses actions que ses adversaires.
Le jeu de base comprend différents modules d’extension, que l’on peut ajouter indépendamment. Les règles associées restent légères, juste ce qu’il faut pour renouveler l’expérience sans modifier complètement le jeu.
J’aime moins
Mais tout n’est pas rose dans l’espace. Pour un jeu de ce calibre (en termes de règles, de matériel et de temps de jeu), l’exploitation des ressources qui est au centre du jeu comporte une part élevée de hasard. Certes on connait la répartition globale des tuiles ressources de chaque planète. Mais seulement quatre tuiles sont utilisées lors d’une partie, choisies au hasard. Et lors de l’établissement d’une base, on tire encore au hasard parmi ces quatre tuiles. On peut dépenser du carburant pour effectuer un autre tirage oui. Mais il se peut que toutes les tuiles en jeu soient de faible qualité. Lors d’une partie, j’ai tiré la meilleure ressource sur ma première base et Blandine la moins bonne, et cette différence au démarrage s’est ressentie pendant toute la partie (de deux heures), c’est un peu dommage.
J’aime beaucoup la première partie du jeu, lorsque que l’on est en plein développement, qu’on explore le système solaire, qu’on installe nos bases et qu’on fait des recherches pour améliorer son moteur. Mais une fois bien installé, le jeu s’essouffle un peu et devient répétitif. J’exploite, je rapatrie mes ressources, je passe éventuellement au marché. Et je dépense ce que j’ai récolté lors de la phase de salut. Je pense que l’aspect course pourrait être plus tendu en raccourcissant les objectifs à atteindre.
Concernant ces objectifs, j’ai trouvé que la construction des modules et l’avancement de la sonde sont beaucoup plus avantageux que le sauvetage des populations. Au final, on se retrouve vite à sauver quelques populations juste pour compenser les pertes de Réputation des quelques exploitations solaires de début de partie.
Le matériel
Le moins qu’on puisse dire, c’est que Starship Interstellar a une grosse présence sur la table ! J’ai une grande table de jeu, et elle est totalement recouverte, l’énorme plateau central venant même mordre sur les plateaux individuels. Je pense que la portion dédiée au système solaire aurait pu être un peu réduite sans nuire à la lisibilité du jeu.
Il y a beaucoup de matériel dans la boite. La mise en place est assez longue, heureusement que le jeu dispose d’un rangement intégré. Chaque joueur dispose d’une boite pour y ranger son matériel, y compris durant la partie. Les miniatures qui constituent le matériel du joueur (explorateur, constructions, scientifiques, sonde) participent d’ailleurs vraiment à l’immersion dans l’univers du jeu. C’est par contre dommage que ce rangement ne tienne pas compte des petites extensions qui ont été ajoutées à la boite. On doit donc se débrouiller pour caser des sachets zip dans une boite déjà fort remplie. C’est dommage également que l’extension qui remplace certaines pistes de bonus ne soit pas aux mêmes dimensions que celles du plateau, ce qui fait que ces dernières dépassent…
Dernier point le livret de règles… Je le trouve étrangement structuré, ce qui engendre de fréquents aller-retour à la lecture. L’iconographie n’est pas toujours évidente, comme celle du Prestige qui est une étoile, et de la Réputation, une étoile mais avec un triangle en fond… Certains points importants manquent carrément, comme la définition explicite du gouverneur, pourtant fondamentale. Heureusement l’auteur est très réactif sur BoardGameGeek. C’est d’autant plus frustrant que le jeu est au final très fluide et pas si compliqué.
Le mot de la fin
Starship Interstellar est un jeu plein de potentiel, mais assis pour moi entre deux mondes. L’investissement (financier et en temps d’installation, de jeu, d’explication) qu’il demande le placerait dans les jeux experts. Tandis que je le situerais plutôt au niveau d’un jeu pour initiés en regard de sa relative simplicité au niveau stratégique.
Fiche technique
Auteurs: Davide Calza, Andrea Crespi
Illustration: Davide Corsi, Kurt Miller
Édition: Pendragon Game Studio, Intrafin
Joueurs: 1-4
Age:14+
Durée: 90-120 minutes
Jeu offert par Intrafin, merci ! Nous restons libres du contenu.