Living Forest
Je profite de la fin du buzz pour enfin écrire mon ressenti sur Living Forest.
J’étais en effet intrigué par les deux belles récompenses qu’il avait dans son palmarès: l’As d’or et le Kennerspiel Des Jahres 2022.
Je l’avais aussi croisé lors des festivals et c’est vrai qu’il occupait pas mal de place sur les tables, un peu comme Everdell, lui aussi victime de son buzz.
Est-ce le buzz qui m’a attiré ?
Pas tout à fait. Il y a trois autres points qui m’ont poussé à franchir le pas. Tout d’abord l’intrigue et le thème qui sont d’actualité: préserver la nature du feu destructeur. Juste comme ça, ça peut faire Green Washing mais le deuxième point vient contre balancer le premier: les créatures de la forêt et le méchant varan de feu.
J’ai beau être un adulte de 22 ans + 12, les créatures magiques m’ont toujours plu. Que cela soit Ponyo ou Pokémon, je réponds toujours à l’appel de l’aventure.
Pour clôturer cette introduction, la troisième raison qui m’a poussé à franchir le pas est le stop ou encore. C’est une mécanique que j’affectionne particulièrement car elle récompense les audacieux et les raisonnables tout en punissant les gourmands et les frileux.
Pour ceux qui ne connaissent pas : le jeu t’offre la possible de poursuivre une action afin d’obtenir une plus grosse récompense mais tu augmentes ainsi le risque de revenir bredouille ou de subir un malus. Il faut donc parfois que tu stoppes ton action et te contenter de ce que tu as au lieu de continuer et de risquer de tout perdre.
Toute la stratégie repose donc sur l’évaluation de ce risque qui se base sur ce qui a déjà été joué et ce que l’adversaire a déjà engrangé comme points ou ressources. En effet, je ne vais pas risquer de perdre quelque chose quand je sais que j’ai une longueur d’avance sur les autres. Le tout pour le tout pour le dernier joueur peut être sa seule voie de salut et c’est juste grisant quand ça fonctionne !
Je vais désormais aborder le vif du sujet : Living Forest !
Principe du jeu
Tu incarnes un esprit de la forêt qui a pour objectif de remplir une des conditions suivantes avant les autres:
– avoir 12 symboles fleur en jeu
– 12 tuiles arbre différentes sur son plateau
– 12 jetons feu qu’on a récupérés, peu importe leur valeur. Il y a en effet des jetons de valeur , 2, 3 ou 4.
Tu commences déjà en début de partie à remplir ces trois conditions car chaque joueur a une tuile de départ fleur, arbre et feu.
Néanmoins, ces tuiles ne sont définitivement pas à toi car les créatures peuvent se voler les tuiles. Hé oui, la nature est impitoyable…
Les différentes actions possibles du jeu vont te permettre de remplir ces conditions. C’est pourquoi je vais t’expliquer le déroulement d’une manche en précisant l’intérêt de chaque action pour gagner.
Phase 1: la pioche
Simultanément les joueurs vont révéler carte par carte les animaux de leur pioche respective et peuvent s’arrêter quand ils le veulent. Ces animaux leur apportent des ressources pour faire les actions de la phase 2 mais aussi des fleurs pour remplir la condition de victoire des 12 fleurs.
Ces animaux sont de deux types : grégaire ou solitaire. Les deux types s’annulent afin d’éviter au joueur de révéler 3 animaux solitaires de plus que les grégaires. Si on remplit néanmoins cette condition, on ne peut plus révéler d’autres animaux de notre pioche et on ne peut faire qu’une action au lieu de deux lors de la phase suivante.
C’est l’aspect stop ou encore dont je te parlais au début de cet article. Continuer à révéler plus d’animaux pour avoir plus de ressources à dépenser à la phase suivante mais risquer de tomber sur 3 solitaires de plus que les grégaires et ne pouvoir faire qu’une action. C’est un choix difficile qui peut être mitigé si tu enrichis ta pioche d’animaux grégaires: 2 grégaires + 4 solitaires = 2 solitaires de plus, donc je suis toujours bon pour faire 2 actions à la phase suivante.
Tu peux gagner pendant la partie des jetons croix qui te permettent de défausser un animal que tu viens de révéler. Ça aide beaucoup pour défausser le troisième solitaire en trop !
Phase 2 : les actions
Chaque action nécessite un nombre de ressources présentes sur tes cartes animaux. Si tu peux faire 2 actions, c’est 2 actions différentes.
a) Acheter des animaux
Tu peux dépenser des soleils pour acheter un animal de la première, deuxième ou troisième rangée. Plus c’est cher, plus l’animal est puissant mais plus le feu laissé par l’absence de cet animal est puissant.
Pour chaque carte achetée à la fin de cette phase, tu placeras des jetons feu de valeur 2, 3 ou 4 que tu devras combattre lors de la prochaine manche (lors de la phase 2 ou 3).
Cette action rappelle le deckbuilding car ta pioche sera de plus en plus riche puisque les animaux achetés sont placés sur le haut de ta pioche et quand celle-ci est vide, tu la reconstitues avec ta défausse.
Comme dit avant, certains animaux rapportent des fleurs quand tu les révèles et ils remplissent donc la condition de victoire des 12 fleurs.
b) Acheter une tuile arbre
Il y a différentes tuiles arbre avec des coûts différents en feuille. Tu peux n’en acheter qu’une par manche et tu la places sur ton plateau, position adjacente à une tuile déjà posée.
Cette action est aussi très importante pour trois raisons :
- elle contribue à la condition de victoire des 12 arbres différents ;
- certains arbres affichent des fleurs et contribuent donc aussi à la condition de victoire des 12 fleurs ;
- certaines cases de ton plateau affichent des bonus/ressources permanentes quand tu les recouvres. Tu gagnes aussi des ressources quand tu remplis certaines lignes ou colonnes.
c) Éteindre le feu au milieu de la forêt
Contrairement aux deux actions précédentes où tu ne peux n’acheter qu’un arbre ou un animal, ici tu peux prendre plusieurs jetons feu à condition d’avoir autant d’eau que la somme des valeurs reprises sur les jetons feu.
Prendre des jetons feu contribue à la condition de victoire de 12 jetons feu. Attention: remplir cette condition est plus simple que les deux autres donc ne laisse pas les autres prendre tous les jetons ! C’est un peu comme 7 Wonders Duel avec la stratégie militaire.
Éteindre le feu est aussi important pour éviter un malus à la phase 3 car tu dois avoir autant d’eau sur tes animaux que la somme des valeurs des feux encore sur le plateau.
Par exemple : il y a deux jetons feu de valeur 2 et tu n’as que 2 eau sur tes cartes (4 versus 2). Utilise cette action pour prendre un jeton feu pour tomber à égalité et ne pas subir de malus.
d) Déplacer ton pion esprit dans le sens horaire au milieu du plateau
Par ressource vent sur tes cartes, tu peux déplacer ton esprit d’une case et faire l’action gratuite sur la case d’arrivée. Tu peux te déplacer de moins de cases si tu veux. S’il y a un autre esprit sur une case, tu fais saute mouton et tu peux lui prendre une tuile de départ qu’il possède (arbre , feu ou fleur).
Quand tu fais une action gratuite, tu peux réutiliser les ressources nécessaires sur tes cartes pour effectuer l’action correspondante indiquée sur la case d’arrivée (planter un arbre, acheter une carte ou éteindre les flammes). Exemple: ma première action est d’acheter une carte animal qui demande 4 soleils car j’en ai 4 sur mes animaux révélés. Ma deuxième action est de déplacer le pion esprit qui me permet d’acheter de nouveau une carte. Je peux encore utiliser mes 4 soleils pour acheter une carte animal.
e) Prendre un jeton croix
Si tu ne peux vraiment rien faire, tu peux prendre un jeton croix qui te sert pour la phase Pioche.
Phase 3: les flammes s’embrasent
Chaque joueur qui n’a pas au moins autant d’eau sur ses cartes que la valeur totale des jetons feu restants, pioche autant de cartes varan de feu qu’il y a de jetons feu restants. Ces cartes sont placées dans ta défausse.
Les cartes varan servent à pourrir ton jeu et sont des animaux solitaires. Heureusement tu peux utiliser un jeton croix lors de la phase de pioche pour renvoyer une carte varan vers sa pioche.
Pour terminer cette phase, on rajoute des jetons feu au milieu du plateau en fonction des cartes animaux qui ont été prises lors de cette manche comme expliqué dans le paragraphe où je décris l’action acheter des cartes.
Phase 4: maintenance
On défausse les cartes animaux jouées et on réapprovisionne le marché des animaux.
Fin de partie
Living Forest se termine à la fin de la phase action lorsqu’un joueur a rempli une des trois conditions. Ce dernier a gagné la partie .
Si plusieurs joueurs remplissent une ou plusieurs des conditions lors de cette phase, ils se départagent la victoire en comptant le nombre de fleurs, arbres et feux dans leur jeu.
Verdict
Malgré qu’il n’ait pas été mon chouchou dans le Prix Jokers dans la catégorie Familiale +, Living Forest méritait tout de même la mention coup de cœur car j’ai vraiment pris plaisir à y jouer.
Au début, tu te cherches un peu en faisant les actions en fonction de ce que tes animaux te donnent. Mais progressivement tu vas orienter ta stratégie puisque ton jeu va produire plus un type de ressources qu’un autre.
Dans tous les cas, garde une production d’eau suffisante car comme dit précédemment, on peut vite récupérer 12 jetons feu si personne d’autre ne daigne les prendre.
J’aime aussi ce moment où tu te dis qu’il te manque encore juste une petite ressource mais que 2 solitaires de plus que les grégaires ont déjà été révélés. La tentation est forte et tu te dis « si ça passe, je fais un carton à cette manche » et là ça fait flop: un troisième solitaire montre le bout de son nez. Tu regrettes alors d’avoir utilisé bêtement un jeton croix lors de la manche précédente en sachant ce que tu as révélé à cette manche.
Hélas cela fait partie du jeu et cela met en évidence l’importance d’avoir des jetons croix et d’avoir des animaux grégaires. Certes, ces derniers ne te rapportent pas beaucoup de ressources mais s’annulent avec les solitaires quand ils sont révélés.
Du beau matériel
Les illustrations des cartes dans Living Forest ne me laissent pas insensible. Les animaux sont vraiment bien représentés et les symboles sont très clairs pour comprendre les cartes .
Il y a pas mal de matériel au service de la thématique: les cartes animaux qui viennent en aide aux esprits, les tuiles arbres qui poussent dans notre jolie forêt qui prend petit à petit forme. Nos petits esprits qui se promènent au milieu du plateau et n’arrêtent pas de s’embêter l’un l’autre. Et finalement ce feu destructeur qu’on essaie en permanence d’éteindre mais qui revient en force si on recrute trop d’animaux.
Alors pourquoi Living Forest est-il si bien ?
Personnellement j’ai vraiment apprécié ce jeu car il est rapide. On a la phase de pioche qui se fait en simultané et on ne fait à chaque fois qu’une ou deux actions par manche. Les manches s’enchaînent et notre jeu se développe vite puisqu’on peut déjà jouer avec nos animaux recrutés dès la manche suivante qu’on place au dessus de notre pioche quand on les achète.
Il n’y a d’ailleurs pas trop d’actions à retenir et on comprend vite l’intérêt de chacune d’elle.
Living Forest est facile à comprendre mais demande du temps pour bien maîtriser les rouages
Quant à la stratégie, elle est plutôt opportuniste. Tu révèles tes cartes jusqu’à ce que tu puisses faire 2 actions très intéressantes et si tu sens que tu risques de ne faire qu’une action à cause des solitaires, alors tu arrêtes de piocher et essaies de faire les 2 actions les plus rentables avec ce que tu as.
Eteindre le feu
Personnellement je trouve qu’atteindre 12 jetons feu est plus facile si tout le monde ne se jette pas dessus. Un combo qui fonctionne bien est d’acheter des cartes animaux de la pile 1 pour générer des petits jetons feu pour la manche suivante afin de les éteindre. Pour cela il faut un peu d’anticipation:
- être le premier joueur à la manche suivante sinon tes adversaires vont te remercier ;
- être certain d’avoir des animaux avec de l’eau quand tu feras la phase de pioche. Cela demande un peu de mémoire par rapport à ce que tu as dans ton jeu même si tu peux consulter ta défausse.
Si tu es un peu sadique, tu peux aussi éteindre le strict nécessaire afin que tes adversaires subissent le malus en phase 3 ou gaspillent une action pour prendre un jeton feu alors qu’ils avaient prévu de faire des autres actions.
Planter des arbres
La seconde stratégie la plus facile est celle des arbres qui constitue la base de toutes les autres. Commence d’abord par les arbres bon marché mais qui te procurent une ressource. C’est une ressource permanente que tu peux utiliser et qui te rend moins dépendant du stop ou encore des cartes. Ensuite, veille à placer stratégiquement tes tuiles sur ton plateau forêt afin de débloquer les ressources de ton plateau. Plus vite tu les débloques et plus vite tu construiras un rouage efficace qui te permettra d’acheter des arbres plus chers, d’éteindre beaucoup de flammes ou de recruter des animaux beaucoup plus puissants. Cette stratégie s’aligne vraiment au thème de Living Forest: aide la nature et elle te le rendra en retour.
Des fleurs pour vous départager
Quant aux fleurs, je t’avoue que je n’ai pas essayé car hormis t’assurer la victoire, elles n’aident pas pour le reste. Éteindre le feu t’empêche de récolter des malus et planter des arbres te rapporte des ressources tandis que les fleurs, elles ne font que décorer …
Dans le décompte, elles ne sont comptabilisées que sur les animaux que tu as révélés pendant cette manche. Les fleurs dans les cartes défaussées ou dans la pioche ne comptent donc pas. C’est pourquoi je considère les fleurs comme des points pour départager si jamais plusieurs joueurs remplissent les conditions de fin de jeu en même temps.
Conclusion
Je pense que Living Forest doit faire partie de ces classiques qu’on expose dans notre ludothèque comme 7 Wonders ou Terraforming Mars. C’est un jeu intergénérationnel et inter-catégorie car les débutants vont découvrir ce qu’est un jeu simple à jouer mais avec des mécaniques bien travaillées qui poussent à réfléchir afin de gagner. Pour les initiés, ils trouveront aussi leur plaisir car il y a vraiment une course à la victoire et des moyens indirects d’embêter les autres: leur piquer les tuiles de départ, ne pas éteindre de feu alors qu’on a beaucoup d’eau ou prendre la carte animal qu’ils désiraient.
On peut aussi s’entraider et fixer un cadre semi-coopératif en éteignant le feu pour que personne ne subisse de malus.
Comme le climat, le style de jeu de Living Forest change donc avec celui des joueurs. Un beau coup de cœur donc !
Fiche technique
Auteur : Aske Christiansen
Illustrateur : Apolline Etienne
Editeur: Ludonaute
Distributeur: Asmodée
Joueurs : 2 à 4
Durée : 30 à 60 min
Âge : à partir de 8 ans