Imperial Steam
Vous voulez être riche, belle/beau et célèbre ? OK, on va déjà commencer par riche, grâce à vos investissements judicieux dans Imperial Steam !
Imperial Steam est le second jeu de Alexander Huemer, après Lignum en 2015 resté assez confidentiel. Après avoir décroché la médaille de bronze du Diamant d’or 2022, il vient d’être localisé en français chez SuperMeeple. Si vous voulez savoir ce qu’il a dans le coffre et ce que je pense de ce jeu, vous êtes au bon endroit !
Principes de base
Dans Imperial Steam, vous incarnez des investisseurs dans l’Autriche du 18e siècle, en pleine Révolution Industrielle. Vous avez reçu comme objectif principal la construction d’une ligne de chemin de fer reliant Vienne à Trieste, au travers des Alpes autrichiennes. Pour cela, vous devrez engager des ouvriers, construire des usines, acheminer les matériaux produits ou en acheter sur les marchés financiers et bien entendu, poser de nouvelles voies. Tout cela bien sûr en faisant fructifier au mieux chacun de vos investissements. Mais vous n’êtes pas le seul à vous être lancé dans cette aventure industrielle. Jusqu’à trois autres de vos concurrents entendent bien y arriver avant et mieux que vous.
Si vous connaissez les Diamants d’Or, vous aurez deviné que Imperial Steam est un gros jeu. Ses règles sont en effet touffues bien que très thématiques et fluides. Je ne vais donc pas essayer de vous les décrire de manière exhaustive mais plutôt de vous présenter les grands axes du jeu.
Tour de jeu
Le jeu se joue en maximum 8 manches, ou jusqu’à ce qu’un joueur relie Trieste. Chacune commence par diverses actions d’entretien (sauf la première manche), comme récupérer ses pions d’action, collecter les différents revenus, alimenter le marché, mettre à jour l’ordre du tour, etc. Les joueurs jouent ensuite leurs actions, une à la fois. Chaque joueur dispose de 2 actions au départ, et en récupère une supplémentaire au cours des manches 2, 3 et 4 pour un maximum de 5 donc.
Les actions possibles sont au nombre de onze (!), auxquelles s’ajoutent 3 actions gratuites que vous pourrez activer avant, pendant ou après votre action normale du tour. Et oui, je vous avais dit que c’était assez touffu comme jeu.
On va donc pouvoir choisir à chaque tour entre :
- Poser des rails (un ou deux), ce qui va coûter des ressources (pierre, bois et métal), mais également utiliser des ouvriers, voire un ingénieur si on souhaite construire un pont ou un tunnel. Chaque liaison va coûter une certaine force de travail en fonction de sa destination, et il faudra être capable de la fournir grâce à ses ouvriers, qui peuvent être de différents niveaux (1, 2 ou 3).
- Recruter du personnel (ouvrier ou ingénieur). On aura accès aux marchés du travail des différentes métropoles du plateau, à condition que son influence en tant que joueur atteigne ou dépasse la valeur des métropoles correspondantes. Sinon le marché reste fermé pour nous. Le coût des ouvriers augmente au fur et à mesure des engagements, celui des ingénieurs est fixe, mais il n’y en a que deux par métropole.
- Construire un bâtiment, soit une gare, soit une usine. La gare nous donnera un peu de revenu, un espace supplémentaire de stockage. Elle nous permet également de construire plus de deux voies reliant la ville où elle est placée. Les usines sont essentielles à votre développement. Elles produisent des ressources et permettent de remplir de lucratifs contrats. Les ressources produites pourront soit être collectées pour poser de nouveaux rails, soit livrées aux métropoles contre du cash. Mais il faudra pour cela mobiliser définitivement un de vos précieux ouvriers.
- Collecter les ressources d’usines. On va pouvoir récupérer dans ses entrepôts une ressource pour chacune de ses usines construites.
- Importer des marchandises. On achète sur le marché, aux prix fluctuants. Soit une ressource unique, qui est disponible de suite, soit plusieurs, qui sont alors mises en livraison et ne seront disponibles que le tour suivant !
- Acheter ou améliorer un train. On achète une nouvelle locomotive plus puissante, et donc avec plus de wagons pour stocker les marchandises ou transporter des passagers. Soit on achète un nouveau train et on paie le prix plein, soit on améliore un train existant et on ne paie alors que la différence de coût entre les deux.
- Signer un contrat. Les contrats sont une source importante de revenus en fin de partie (n’oubliez pas, votre argent c’est vos points de victoire), et ils amènent également des investisseurs qui pourront éventuellement vous financer en achetant des parts de votre société. En échange, vous leur réservez des emplacements dans vos wagons de marchandises, et vous vous engagez à leur fournir une certaine production (en construisant les usines requises). Mais attention, si la partie se termine alors qu’un joueur atteint Trieste et que vous n’avez pas rempli votre contrat, vous devrez payer et non recevoir la somme indiquée !
- Acheter de l’influence. L’influence conditionne notamment les marchés auxquels vous avez accès. Vous pouvez ici l’augmenter contre monnaie sonnante et trébuchante.
- Manipuler le cours de vos actions. Vous pourrez augmenter leur cours (en payant avec votre influence) ou le réduire (gratuitement).
- Lever des fonds. Vous recevez 10 florins. Comme ça, gentiment.
- Passer. Vous ne faites rien. Nada.
Plusieurs joueurs peuvent sans soucis choisir la même action. Mais si vous voulez refaire une action que vous avez déjà réalisée pendant la manche en cours (y compris Passer!), il vous en coûtera un peu de votre précieuse influence !
Pfiuuuu. Et c’est pas fini. A cela s’ajoute donc 3 actions gratuites, réalisables à chacun de vos tours de jeu.
- Vendre des actions. Vous pouvez vendre une ou plusieurs actions aux investisseurs que vous avez attirés grâce à vos contrats. C’est une bonne source de cash, mais attention, quel que soit le cours de vos actions, chaque investisseur ainsi utilisé vous réclamera 10% de votre capital en fin de partie !
- Livrer une métropole. Grâce aux ressources produites par vos usines, vous pouvez livrer une marchandise demandée par une métropole que vous avez reliée, qui vous paiera grassement pour cela.
- Racheter une ligne nationalisée. Certaines lignes du plateau ont déjà été construites par l’état. Si vous êtes relié à une de ces lignes et souhaitez l’utiliser, rien de plus simple : il suffit de payer. 🙂
Comme je vous l’avais dit, on est pas vraiment dans un jeu d’ambiance. Les actions sont nombreuses, mais l’argent est rare, et il va falloir planifier judicieusement ses actions pour ne pas se retrouver bloqué.
Fin de la partie
A la fin de la 8e manche, ou de la manche durant laquelle un joueur a atteint Trieste, un décompte a lieu.
- On collecte une dernière fois les revenus de son plateau personnel
- On échange les ressources restantes et les clefs des métropoles (obtenues en livrant du charbon) contre des florins
- On gagne un montant croissant en fonction du nombre de métropoles qu’on a dépassées sur l’échelle d’influence
- Si au moins un joueur a atteint Trieste (et uniquement dans ce cas),
- on gagne la valeur des contrats remplis, on la perd dans le cas contraire
- les joueurs ayant au moins un contrat mais n’ayant pas réussi à relier Trieste doivent payer l’utilisation des lignes des adversaires pour rallier Trieste.
- On soustrait à ce montant la part des investisseurs ayant acheté des actions (10% du total par actionnaire).
Le joueur le plus riche est le gagnant de la partie et peut siroter une coupe de champagne en ajustant négligemment son monocle !
Mon verdict
Le matériel
On peut dire que la boite d’Imperial Steam est bien remplie, et il vaut mieux avoir une grande table pour y jouer. Les illustrations sont sobres mais bien dans le thème et j’aime beaucoup l’ambiance graphique.
Par contre, cette abondance de matériel signifie également que la mise en place est plutôt longue et fastidieuse. Même pour moi qui adore mettre les jeux en place. C’est heureusement moins impactant étant donné la durée de la partie (comptez 2h30 à quatre hors explication des règles).
Petit bémol sur l’absence d’une aide de jeu digne de ce nom rappelant les différentes actions disponibles, ce qui entraîne pas mal de retours à la règle dans les premières parties.
Le jeu
J’adore les jeux de gestion qui me challengent. J’aime planifier, devoir compter chaque ressource pour établir une stratégie, … et devoir tout revoir parce qu’un de mes adversaires m’a surpris. Et pour le coup, je n’ai pas été déçu. Imperial Steam est un jeu exigeant, mais très bien construit, techniquement et thématiquement. Chaque action a du sens, les ressources sont rares, on est constamment maintenu sur le fil du rasoir.
Attention donc, le jeu ne conviendra pas à tout le monde. On ne peut pas le jouer en dilettante, “pour voir”, car il peut être très punitif. Une action placée au mauvais moment peut vous ralentir pendant plusieurs tours pendant lesquels on a l’impression de subir le jeu. Mais la règle est claire, c’est écrit noir sur blanc : “Vous ferez des erreurs lors de la première partie ; ce n’est pas grave”. Elle propose d’ailleurs une mise en place spécifique pour une première partie, que je ne peux que recommander de suivre, même si vous êtes un “gros joueur”. Il faudra plus d’une partie pour appréhender toutes les ficelles du jeu, alors autant jouer la première dans les meilleures conditions pour apprécier le jeu.
Mais passé cette première barrière, Imperial Steam est vraiment un grand jeu. Derrière ses aspects de gestion et de construction de réseau, c’est un vrai jeu de course : pour relier Trieste évidemment, mais également les métropoles, pour faire les livraisons les plus intéressantes, pour recruter, acheter ses ressources ou ses usines au meilleur prix. Vous pesterez constamment sur vos adversaires qui vous soufflent cet ouvrier bon marché ou cette livraison si rentable. L’interaction est donc au coeur du jeu, il faut absolument surveiller ce que les autres sont susceptibles de faire pour ne pas se laisser piéger.
Le mot de la fin
De la gestion, de l’interactivité, un beau matériel qui renforce l’immersion, … Si vous avez lu mes autres articles, vous aurez deviné qu’il a tout ce qu’il faut pour être un de mes gros cœur de 2022, sans hésiter !
Fiche technique
Auteur : Alexander Huemer
Illustrateur : Andreas Resch
Editeur : Capstone Games (VO), Super Meeple (VF)
Distributeur: Geronimo Games
Joueurs : 2 à 4
Durée : 90 à 120 minutes
Age : 12+