Gloomhaven
C’est une review un peu particulière aujourd’hui, en effet, le jeu dont je vais vous parler est onéreux; est issu d’un Kickstarter, n’est absolument pas belge et ne sortira jamais en français. Il est commandable sur certains sites en ligne mais se retrouve en « Rupture de Stock » quelques heures plus tard après chaque réapprovisionnement et surtout, il truste la place number One du classement des meilleurs jeux sur BoardGameGeek (pour peu que l’on accorde un peu de crédit à ce genre de classement) depuis plusieurs mois.
Oui, c’est donc bien de Gloomhaven dont je vais vous parler dans cet article. Cela fait bien longtemps que le clavier me démangeait mais je voulais attendre d’avancer un tant soit peu dans cette extraordinaire aventure que Isaac Childres nous propose avant de vous en dévoiler les prémices.
Gloomhaven, c’est quoi ?
C’est le projet fou d’un homme encore plus fou…certainement, l’homme le plus dingue que je connaisse, Isaac Childres. Pourquoi dingue ? Parce que sincèrement, pondre autant de scénarios, autant d’embranchements, autant de personnages, faut juste être un grand malade !
Ouaip…10kg de matos, ça fait du bazar |
C’est donc un projet issu de la plate-forme Kickstarter qui a vu le jour en l’an 2016. Suite à la demande de la « fanbase », Isaac nous relance un KS pour la seconde édition l’année suivante et je me suis jeté dessus tel un enfant privé de bonbons depuis des années.
Gloomhaven est un dungeon crawler au même titre que Descent, par exemple, mélangé à un côté très « eurogame » qui vous plonge dans un monde typé « Heroïc Fantasy » mais que l’auteur s’est amusé à modifier (beh oui, il n’y avait pas assez de boulot comme ça), du coup exit les elfes, les nains et vous ne verrez pas non plus de paladin ou de voleur. Non, tout cela a été habilement remplacé/habillé pour nous donner d’autres perspectives, d’autres options pour les joueurs habitués aux classiques du genre et c’est assez bien vu.
Dans Gloomhaven, vous incarnerez un mercenaire / un héros qui va vivre de divers contrats et se balader dans l’énorme terrain de jeu afin de découvrir les secrets de Gloomhaven, la ville centrale. Ces contrats vous permettront parfois de découvrir une quête au bout de laquelle une plus belle récompense vous attend. Qui dit mission, quête dit, bien évidemment, expérience avec laquelle vous allez pouvoir faire évoluer votre personnage en améliorant / modulant certaines de ces capacités.
Voilà, assez classique donc…ce qui l’est un peu moins, c’est le gameplay mais on y reviendra plus tard. Seconde chose originale, c’est que votre personnage aura un but, une mission, ce qui influencera vos choix lorsque vous devrez choisir entre différentes missions ou lors d’une quête. Et lorsque, après de nombreuses parties, votre personnage aura enfin atteint « le but de sa vie », il pourra partir en retraite.
Et le jeu se termine, alors ?
Point du tout, ceci n’est que la surface de l’iceberg. Au départ, 6 personnages sont disponibles mais il y a 9 boîtes scellées qui n’attendent que vous pour vous offrir de nouveaux personnages/classes avec de nouvelles capacités et donc d’autres stratégies à adapter. Car oui, Gloomhaven est bien un jeu de stratégie où ça cogite un peu !
hmm, toutes ces belles boîtes à ouvrir ! |
Bon, tout ceci me semble un peu confus, comment ça marche ?
En fait, ce n’est pas très compliqué. A la création, vous choisissez un personnage parmi les 6 disponibles. Ce personnage vient avec tout un package qui lui est propre : deck d’action, feuille de personnage, deck de combat amélioré.
Le package du joueur |
Vous lui trouvez un petit nom, vous prenez votre deck de combat standard et ensuite, vous prenez les cartes actions du niveau 1 (il y a une petite alternative qui s’offre à vous à ce moment-là mais franchement, vous n’avez pas besoin de la connaître maintenant). On achète un peu de matos au marchand du coin, on choisit une quête pour son personnage, etc.
Ready to play ! |
Voilà, vous êtes prêt à jouer à Gloomhaven…simple, une fois !
Bon, évidemment, il faudra que l’un de vous se tape toute la mise en place du scénario qui est « longuuuuuuuuuuuuue comme….. » ! Bref, vous prenez le premier scénario, et vous faites la mise en place indiquée pour la première salle dans laquelle arrive vos héros (nombre de monstres, obstables, pièges, coffres, etc). Vous sélectionnez un niveau de difficulté… Voilà, et maintenant ? Et bien, maintenant, c’est parti mon kiki !
Oui, ça prend un peu de place…et encore, là, c’est rien |
Les actions !!!
Tous les joueurs vont sélectionner 2 cartes parmi leur deck sans trop communiquer entre eux. Ils peuvent et doivent se mettre d’accord sur qui va faire quoi (vais-je me déplacer ou attaquer, etc) mais sans trop rentrer dans le détail des cartes : par exemple, on ne peut pas dire, je vais me déplacer de X cases pour arriver là, puis je vais attaquer cet ennemi en lui infligeant normalement X points de dégâts, etc. Puis, vous les placer devant vous face cachée.
Ma sélection pour ce tour |
Quand tous les joueurs auront terminé, on révèlera les 2 cartes de chaque joueur. Attention, l’ordre dans lequel vous aurez empilé vos cartes aura une importance capitale. En effet, chaque carte comporte 2 encarts (en bas et en haut) et un chiffre au centre. Ce chiffre représente votre initiative, au plus il est petit, au plus vous agirez tôt dans le tour. Donc, vous allez révéler vos 2 cartes en un seul paquet et la première carte que vous aurez posée face cachée sera la première carte révélée et donc, la carte déterminant votre initiative pour le tour. On réalise ceci pour tous les joueurs.
Mon initiative pour ce tour = 77 |
Forcément, les monstres ne seront pas en reste et eux aussi, auront une initiative propre et des comportements déterminés par leur deck de cartes ce qui risque de perturber un peu vos plans.
L’initiative de cet archer = 14…outch |
Ok, c’est mon tour d’initiative, je fais quoi, maintenant ?
Et bien, mon petit père, tu as deux cartes avec deux encarts ? Maintenant, tu dois réaliser l’action de l’encart du haut d’une des deux cartes puis l’encart du bas de l’autre carte…peu importe l’ordre ! Une fois cela fait, soit tu défausses tes cartes, soit tu les « détruis » si l’encart te le dis. Voilà, ton tour est terminé !
Vous commencez à voir les subtilités ?
Quand tout le monde a joué : Héros comme monstres, on passe au tour suivant où tous les héros choisissent à nouveau deux cartes parmi leur deck restant. Au cours de la partie, votre deck diminuera, vous avez deux possibilités pour remédier à ça :
Le repos court : vous mélangez votre défausse et vous écartez définitivement du jeu une carte prise au hasard.
Le repos long : même chose que le court SAUF que vous choisissez la carte que vous écartez MAIS vous devrez alors passer votre tour.
ceci est résumé sur votre fiche de personnage |
Il y a évidemment des tonnes d’actions possibles et différentes mais beaucoup d’entre elles sont liées au type de personnage donc voici les deux principales :
Le déplacement : en jouant cette carte, vous pourrez vous déplacer d’autant de cases. Comme d’habitude, les ennemis ne sont pas franchissables, sauf si vous possédez la capacité « Vol » et on ne finit pas son déplacement sur une case occupée. Vous pouvez traverser certains terrains difficiles mais il vous en coûtera des points de déplacements supplémentaires.
L’attaque : à distance ou au corps-à-corps. Certaines cartes permettent l’un, d’autres l’autre. Pour le corps à corps, vous choisissez une cible qui est adjacente à votre personnage et puis vous dévoilez une carte de votre « deck combat », vous additionnez cette valeur à celle de votre carte, vous appliquez divers modificateurs si nécessaires et on inflige autant de blessures à l’ennemi. Si celui-ci meurt, le « standee » est défaussé et remplacé par une pièce d’argent. A distance, il faut déterminer quelle créature vous pouvez atteindre suivant la portée de l’attaque puis on suit les mêmes règles que pour le corps-à-corps.
Autre exemple d’action, ci-dessus, avec cette carte appartenant au Cragheart : le cartouche du haut me permet de réaliser une attaque au corps-à-corps de force 3 (modifié ensuite par mon deck de combat) sur 2 adversaires (cases rouges) si je me retrouve dans cette configuration. Une fois utilisée, je gagne un point d’expérience et cette carte ira dans ma défausse. Le cartouche du bas est une amélioration qui me donnera le pouvoir d’infliger 2 dégâts non-blocable aux adversaires pour les 6 prochaines attaques de mêlées. Ensuite, cette carte sera détruite.
Fin de partie et retraite
La partie se termine dans 2 cas : les héros réussissent le scénario et gagnent de l’expérience, de l’or, etc. Les héros meurent, ne gagnent pas d’XP (pour être franc, je ne suis plus sûr mais en tout cas, je le joue comme ça car j’ai pas peur !) et on peut recommencer. Si vous sortez vainqueur, vous débloquerez de nouveaux lieux à visiter et il y en a beaucoup…beaucoup. Et si jamais votre héros a enfin terminé sa quête (comptez tout de même 7 à 10 parties suivant les quêtes), il se sentira las de partir au combat et décidera de prendre un repos bien mérité dans la ville de Gloomhaven…à ce moment, vous aurez la possibilité de choisir un nouveau personnage prêt à en découdre. Ce nouveau personnage pourra être un de base ou un personnage que vous aurez débloqué d’une manière ou autre : en réalisant un Haut-Fait, ou en terminant une quête, etc.
L’avis
Je vais m’arrêter là parce qu’il y aurait encore tant de choses à vous décrire pour expliquer correctement toutes les possibilités offertes par Gloomhaven, on pourrait citer le fait que vous aurez la possibilité de faire gagner de la prospérité à Gloomhaven, ce qui vous permettra d’obtenir de meilleurs objets chez les marchands ; vous pourrez aussi enchanter votre cartes actions afin de les rendre plus efficace ; vous pourrez aussi gagner de la réputation ou en perdre ce qui changera vos rapports avec les commerçants et je passe l’excellent système de leveling qui fait appel à des « bonus » qui moduleront votre deck de combat…ce qui me rappelle furieusement mes années rolistes.
J’ai vraiment été bluffé par la mécanique assez originale des actions, aucun autre adage que « Choisir, c’est renoncer » ne résume mieux Gloomhaven, à chaque action, vous devrez choisir et ces choix sont parfois durs : utilisez une carte pour son encart supérieur ou inférieur ? quelle initiative choisir ? et bien souvent, les actions qui vous sauveraient la mise n’auront pas l’initiative que vous auriez souhaitée. Tout bonnement excellent !
La quantité de matériel est juste démentielle, ça dégueule littéralement et c’est sûrement « too much », notamment la carte dont je me suis vraiment demandé si elle était utile. Mais au final, oui, elle l’est. Gloomhaven est un jeu tellement vaste avec une multitude d’embranchements qu’il vous est impossible de tout retenir.
L’énorme terrain de jeu |
Quant à la qualité du matériel, c’est autre chose. J’ai quelques soucis d’image qui se décollent du carton, c’est dommage mais c’est bien le seul problème car les cartes, les sculptures et les graphismes des « standees » sont de bonnes facture.
Mention spéciale pour le livre de scénarios…très soigné, un plaisir ! |
L’autre problème, c’est que tout le jeu est en anglais et il y a énormément à lire mais genre beaucoup.
Le texte d’introduction de votre personnage |
Maintenant, à croire que nous sommes entourés de fous car des gens se sont mis en tête de tout traduire et ils l’ont fait. Vous pourrez retrouve l’intégralité du livre de règles et des scénarios (plus de 90, tout de même) sur la page facebook de Gloomhaven : Havrenuit. Je leur tire mon chapeau, ils ont vraiment fait un boulot dantesque. Quant aux cartes actions, il y a peu de texte et elles sont assez compréhensibles.
Dernier gros soucis…le prix…comptez 120 euros pour la bête ! Ce n’est pas rien, c’est un investissement et la boîte (10kg, je le rappelle) ne rentrera pas dans votre étagère, c’est certain.
La mise en place est assez longue, comptez environ 15 minutes si vous êtes du genre organisé, beaucoup plus si vous ne rangez pas correctement. Personnellement, j’ai tendance à jouer par « vague », je joue 3-4 parties sur quelques jours et puis, je débarrasse enfin le jeu pour pouvoir manger ^_^.
Mais le jeu est tellement prenant qu’on a envie d’avancer, découvrir de nouveaux lieux, obtenir de nouveaux objets, gagner toujours plus d’expérience, monter de niveaux car vous allez obtenir de nouvelles capacités qui vous montreront le vrai potentiel de votre personnage. Par exemple, toujours pour le « Cragheart », il a la faculté de créer un obstacle à côté de lui…waouw, génial, ça à l’air tout pourri ! Mais ensuite, cet obstacle vous pourrez le déplacer pour le placer à côté d’ennemis et le faire exploser….aaaah, beh, ça, c’est déjà vachement plus drôle.
Evidemment, si vous, vous pouvez monter de niveau, les ennemis aussi et c’est une des autres excellentes idées de l’auteur :
Les fiches ennemis sont recto-verso avec différents niveaux |
Il suffit ensuite de glisser dans le carton..voilà, archer : lvl 1 |
C’est ergonomique et bien pensé !
Du coup, la difficulté est très modulable et c’est très appréciable car le jeu ne pardonne pas. C’est excessivement tendu. Certes, on gagne plus souvent qu’on ne perd mais surtout j’ai remarqué que ce n’est pas forcément un mauvais tirage de modificateur qui vous fera perdre (enfin, si, ça peut aussi) mais le plus gros « stress » viendra de votre deck de cartes qui diminuent à chaque tour, vous aurez de moins en moins de possibilités donc quand allez-vous sortir votre plus belle carte ? cela vaut-il la peine de claquer cette carte maintenant, sachant qu’il y a un risque de la perdre définitivement ou bien, vais-je perdre un tour complet afin de réaliser un « repos long » afin de la récupérer ? Non, les choix ne sont pas simples et c’est ce qui rend Gloomhaven si intéressant. Les combos réalisables par vos personnages, le rendent fun.
Intéressant, fun, tendu, addictif…bref, je pense que les éloges peuvent s’arrêter là.
Si l’anglais ne vous fait pas peur, que vous aimez les jeux « Portes-Monstres-Trésors » avec un peu de jugeote et que vous avez les moyens…foncez, c’est tout ! Le jeu se joue aussi parfaitement en solo donc n’ayez crainte et si il n’y avait pas ce « problème » de mise en place, ce serait à coup sûr mon coup de cœur en jeu solo toutes années confondues !
Pour le moment (mais ça va pas durer), il est trouvable sur le net et il me semble qu’il y a toujours une boîte de disponible à l’Outpost de Bruxelles.
Bon jeu
Al
Fiche Technique
Auteur : Isaac Childres
Editeur : Cephalofair Games
Illustrateur : Alexandr Elichev ; Josh McDowell ; Alvaro Nebot
Joueurs : 1 à 4
Age : 12+
Prix conseillé : +/- 120euros