Coups de CƓur

Rebirth

Dans Rebirth, vous incarnez un clan Ă©cossais Ɠuvrant Ă  la renaissance d’un territoire ravagĂ©. Votre objectif : restaurer les terres, dĂ©velopper la production Ă©nergĂ©tique, reconstruire les communautĂ©s et reprendre le contrĂŽle des chĂąteaux emblĂ©matiques. Le tout sur base d’une rĂšgle extrĂȘmement simple et Ă©purĂ©e. Une des derniĂšres productions du prolifique M. Reiner Knizia, Ă©ditĂ©e en français par Lucky Duck Games. Pour savoir comment ça se joue, c’est juste aprĂšs. Et ce n’est pas un, mais trois membres de l’Ă©quipe qui vous partagent leur avis ensuite : Yves, Daniel et Jean-Alain !

Les principes de Rebirth

Rebirth comprend deux plateaux associés à deux modes de jeu, le plateau Ecosse et le plateau Irlande. Le plateau Ecosse correspond au « jeu de base », je commencerai donc par décrire ce dernier. Je donnerai les particularités du plateau Irlande à la fin de cette section.

On est loin des illustrations des univers post apocalyptiques classiques et c’est tant mieux !

Un tour de jeu

À chaque tour, vous jouez une tuile depuis votre main, la placez sur la carte et marquez immĂ©diatement les points associĂ©s. Le jeu repose sur cette boucle simple Ă  comprendre mais pourtant diablement tactique : placer, scorer, repiocher.

Chaque tuile appartient à l’un des trois grands types :

  • Fermes agricoles : elles doivent ĂȘtre placĂ©es sur des cases neutres ou des cases agricoles. Si la tuile placĂ©e agrandit un groupe contigu, vous marquez des points selon la taille du groupe.
  • Fermes Ă©nergĂ©tiques : elles fonctionnent de la mĂȘme maniĂšre que les fermes agricoles, mais sur leurs propres emplacements. Impossible de mĂ©langer les deux types de fermes : une ferme Ă©nergĂ©tique n’étend pas une ferme agricole, et inversement.
  • CommunautĂ©s : ces tuiles, associĂ©es Ă  des valeurs d’influence de 1 Ă  4, se dĂ©ploient dans les villes. Le scoring dĂ©pend du type de ville (modeste, moyenne ou importante), et repose sur l’influence totale apportĂ©e par vos communautĂ©s. La compĂ©tition pour garantir sa majoritĂ© lors du dĂ©compte de l’influence y est fĂ©roce.

S’ajoutent deux autres Ă©lĂ©ments clĂ©s :

  • Les chĂąteaux : le joueur contrĂŽlant le plus de tuiles autour d’un emplacement de chĂąteau en obtient le contrĂŽle et place un chĂąteau de sa couleur sur l’emplacement.
  • Les cathĂ©drales : en se plaçant Ă  cĂŽtĂ© d’une cathĂ©drale, vous obtenez une carte Mission privĂ©e. Ces missions sont des objectifs personnels qui offrent un bonus non nĂ©gligeable en fin de partie si ils sont remplis.

Au fil des tours, la carte se remplit et les opportunitĂ©s se resserrent. Chaque tuile posĂ©e peut vous ouvrir l’accĂšs Ă  un chĂąteau ou priver vos adversaires d’un regroupement prĂ©cieux. L’interaction est omniprĂ©sente : le territoire devient un champ de batailles territoriales, oĂč chaque placement compte.

La concurrence est rude autour des chĂąteaux !

Fin de partie et décompte

La partie de Rebirth s’achĂšve dĂšs que chaque joueur a posĂ© toutes ses tuiles. Un ultime dĂ©compte intervient alors, structurĂ© en trois Ă©tapes :

  1. Villes incomplĂštes
    Toute tuile CommunautĂ© encore dans une ville non terminĂ©e rapporte simplement 1 point par influence, comme s’il s’agissait d’une ville modeste.
  2. ChĂąteaux
    Chaque chĂąteau contrĂŽlĂ© vaut 5 points. Pour en avoir le contrĂŽle, il faut occuper le plus de cases adjacentes, fermes comme communautĂ©s confondues. En cas d’égalitĂ©, c’est le joueur ayant le plus de fermes adjacentes qui l’emporte.
  3. Missions privées
    Les cartes obtenues auprÚs des cathédrales révÚlent leurs objectifs secrets. Si vous les remplissez, vous marquez immédiatement les points indiqués.

Au terme du total, le joueur au score le plus Ă©levĂ© est dĂ©clarĂ© vainqueur. Si une Ă©galitĂ© subsiste, elle se dĂ©partage en faveur du joueur contrĂŽlant le chĂąteau d’Édimbourg. Sinon, celui qui contrĂŽle le chĂąteau de Stirling est dĂ©clarĂ© vainqueur — mĂȘme s’il n’était pas ex ĂŠquo en tĂȘte ! Un twist final trĂšs Knizia, qui pousse Ă  surveiller ces positions jusqu’au dernier tour.

MĂȘme bien rempli en fin de partie le plateau reste trĂšs lisible

Et en Irlande : quelles différences ?

La carte d’Irlande introduit un mode avancĂ©, enrichi et plus interactif :

  • Une ville Ă©tendue (4 cases) apparaĂźt, encore plus lucrative et plus disputĂ©e.
  • Les missions privĂ©es sont remplacĂ©es par des missions publiques visibles de tous, chacune offrant une prime au premier joueur Ă  l’accomplir, puis une rĂ©compense rĂ©duite pour les suivants.
  • Les tours rondes, nouvelles structures du plateau, remplacent les cathĂ©drales. Ces tours dĂ©livrent des capacitĂ©s uniques lorsqu’on s’en approche : piocher plus de tuiles, poser une tuile supplĂ©mentaire, privatiser une mission, etc.
  • En cas d’égalitĂ© finale, c’est cette fois le contrĂŽle du chĂąteau de Blarney (puis la proximitĂ© avec la tour de Tara) qui dĂ©partage les joueurs.

En rĂ©sumĂ©, l’Écosse propose une expĂ©rience Ă©purĂ©e et Ă©lĂ©gante, tandis que l’Irlande ajoute un niveau stratĂ©gique supplĂ©mentaire grĂące aux objectifs publics et aux tours rondes.

Le verdict d’Yves

Rebirth, ça se joue bien ?

Je ne vais pas le cacher, j’adore Rebirth. Tout d’abord pour son principe de jeu Ă©lĂ©gant, simple, mais pourtant trĂšs tactique. A chaque tour un unique choix, oĂč poser la tuile que l’on a piochĂ© Ă  la fin du tour prĂ©cĂ©dent. Mais cette simple action va pourtant offrir toute une sĂ©rie de dĂ©cisions tactiques ; est-ce que j’agrandis mes positions, en engrangeant ainsi un joli paquet de points, ou alors je me positionne ailleurs pour voler ou sĂ©curiser le contrĂŽle d’un chĂąteau ? Est-ce que je me positionne Ă  cĂŽtĂ© de cette cathĂ©drale pour obtenir une nouvelle mission, ou je pose ma tuile pour empĂȘcher l’expansion de cette adversaire ?

Cette action unique rend le jeu trĂšs fluide. Puisqu’on tire la tuile Ă  placer Ă  la fin de son tour, on a tout le tour des autres joueurs pour rĂ©flĂ©chir Ă  son meilleur coup. Les parties sont donc rapides et dynamiques, autour de 45 minutes mĂȘme avec de nouveaux joueurs (sur la face Ecosse).

Un eurogame interactif

Rebirth Ă©tant avant tout un jeu de contrĂŽle de territoire, l’interaction y est bien prĂ©sente. Il faut surveiller les positions de ses adversaires en permanence, pour limiter leur expansion, conserver les majoritĂ©s sur les chĂąteaux, …

L’Ă©quilibre du scoring entre les Ă©lĂ©ments immĂ©diats en cours de jeu, et les points de fin de partie amenĂ©s par les chĂąteaux et les missions privĂ©es permet de mĂ©nager le suspens quant au gagnant jusqu’Ă  la toute fin du dĂ©compte. Ainsi on se bat jusqu’Ă  la derniĂšre tuile, car la premiĂšre position au score pendant la partie ne garantit absolument pas la victoire.

Deux plateaux pas simplement cosmétiques

Les deux modes de jeux, Ecosse et Irlande, apportent une diversitĂ© bienvenue. Le plateau Ecosse est pour moi un parfait jeu passerelle, qui va permettre d’amener de nouveaux joueurs Ă  table. Son principe hyper simple permet de lancer rapidement une partie sans s’Ă©terniser sur la description d’un tas d’action ou d’effet. Mais simple sans ĂȘtre simpliste, sa maĂźtrise viendra au bout de quelques parties. Le plateau Irlande est plus stratĂ©gique. Avec sa carte prĂ©sentant moins de contraintes de placement, ses missions publiques et les effets des tours rondes il est plus particuliĂšrement destinĂ© Ă  des joueurs dĂ©jĂ  plus initiĂ©s.

Si je devais le rapprocher d’un autre jeu, c’est Ă  Kingdom Builder que je pense en premier. On est ici aussi face Ă  un jeu de contrĂŽle de territoire, liĂ© Ă  une action unique Ă  son tour liĂ©e Ă  la carte terrain qu’on a piochĂ©e. Rebirth est pour moi plus accessible que KB, surtout dans sa version Ecosse. Et le mode Irlande n’a rien Ă  envier Ă  KB sur le plan tactique.

Bon, allez, je vais me fendre d’un minuscule point nĂ©gatif : le thĂšme. Comme dans beaucoup de jeu de R. Knizia, il est complĂštement anecdotique et vite oubliĂ©. Mais il permet d’orienter l’esthĂ©tique du jeu, qui est un autre de ses points forts.

Le matériel de Rebirth

Quand on regarde la boite de Rebirth, ses plateaux, on a immĂ©diatement l’oeil attirĂ©. La direction artistique est claire, colorĂ©e, et pourtant trĂšs lisible. Les composants en 3D du jeu sont finement sculptĂ©s et beaux. Les chĂąteaux et cathĂ©drales sont en outre rĂ©alisĂ©s en RE-Wood, une alternative au plastique Ă  base de fibres de bois. Cela donne une texture et un poids qui rend les Ă©lĂ©ments agrĂ©ables Ă  manipuler. Les tuiles des diffĂ©rents joueurs sont Ă  la fois de couleurs et de formes distinctes, ce qui est un trĂšs bon point pour l’accessibilitĂ© du jeu.

Les éléments de jeu en RE-Wood apportent du plaisir à la fois visuel et tactile

L’avis de Daniel

Quant Ă  moi, je rejoins Yves concernant l’accessibilitĂ© du jeu : tu ne dois que placer ta tuile et tout repose sur le choix de l’emplacement pour scorer, le bonus du nombre (fermes) ou le bonus de majoritĂ©s (habitation et chateaux) ou piocher des cartes objectif. Je n’ai que tester que la partie Ecosse pour maintenant.

Le jeu est sympa mais il n’est pas non plus exceptionnel. On ne fait qu’une action et le jeu est assez calculatoire. Gabriel et moi n’avons pas Ă©tĂ© transportĂ©s. Il y a certes cette tension de saute-mouton sur la piste de score mais rien de tendu sur le plateau mĂȘme.

Ce n’est pas le mĂȘme jeu mais si tu aimes les placements, les jeux oĂč tu dois prendre position sur le plateau et embĂȘter tes adversaires, je prĂ©fĂšre LOOOT qu’Yves a aussi adorĂ©. Il est beaucoup plus interactif et il y a vraiment plus de tensions Ă  mon goĂ»t et une pression pour prendre les meilleures cases !

L’avis de Jean-Alain

Rebirth, c’est exactement le genre de jeu qui te rappelle pourquoi la pose de tuiles reste un terrain de jeu incroyable quand elle est maĂźtrisĂ©e. Le tour est d’une limpiditĂ© totale (piocher, poser, scorer) mais derriĂšre cette façade hyper accessible se cache une tension constante. Chaque tuile devient une micro-dĂ©cision stratĂ©gique : agrandir un groupe, bloquer une majoritĂ©, prĂ©parer un coup futur
 ou ruiner les plans d’un adversaire sans mĂȘme avoir l’air d’y toucher.

Le matĂ©riel fait vraiment plaisir : lisible, Ă©lĂ©gant, colorĂ© juste ce qu’il faut. Le plateau recto-verso n’est pas un gadget : jouer en Écosse ou en Irlande offre deux rythmes de partie diffĂ©rents, avec des objectifs qui renouvellent totalement les approches possibles. Et honnĂȘtement, la rejouabilitĂ© est l’un des gros atouts du jeu : il y a toujours une stratĂ©gie Ă  tester, une façon d’optimiser ses tuiles, un pari de majoritĂ© Ă  tenter.

L’interaction reste subtile, presque feutrĂ©e. Pas d’agression frontale, mais une vraie bataille psychologique de placement : on observe, on anticipe, on s’infiltre. Ceux qui aiment la confrontation musclĂ©e resteront peut-ĂȘtre un peu sur leur faim, mais pour les amateurs de contrĂŽle, c’est un dĂ©lice. Le mode avancĂ© demande un peu plus de lecture du plateau, mais une fois dedans, il donne une profondeur vraiment grisante.

En rĂ©sumĂ© : Rebirth rĂ©ussit lĂ  oĂč beaucoup Ă©chouent :

  • ĂȘtre accessible sans ĂȘtre simpliste,
  • stratĂ©gique sans ĂȘtre lourd,
  • tendu sans ĂȘtre agressif.

Il tourne vite, il tourne bien, il donne envie d’enchaĂźner les parties pour essayer « une autre stratĂ©gie ».

Franchement, pour moi, c’est l’un de mes jeux de l’annĂ©e. Une valeur sĂ»re pour celles et ceux qui aiment les jeux intelligents, Ă©lĂ©gants et qui ne trichent jamais sur le plaisir de jeu.

Le mot de la fin

Rebirth est un jeu de placement de tuile aux rĂšgles simples mais pas simplistes. Un jeu passerelle par excellence, qui permet d’amener de nouveaux joueurs vers les eurogames avec son plateau Ecosse, tout en offrant une expĂ©rience riche et un beau challenge pour les joueurs plus expĂ©rimentĂ©s, surtout sur son plateau Irlande. Un top pour Yves et Jean-Alain, qui a moins convaincu Daniel, mais c’est ça aussi la richesse d’une Ă©quipe ! 🙂

Fiche technique

Conception: Reiner Knizia
Illustration: Anna « Mikado » Przybylska, Kate « vesner » Redesiuk
Édition: Mighty Boards (VO), Lucky Duck Games (VF)
Joueurs: 2-4
Age: 10+
Durée: 45-60 minutes

Auteurs/autrices

  • Jeux prĂ©fĂ©rĂ©s : les jeux de gestion (Scythe, Terraforming Mars, Brass Birmingham, Res Arcana, Barrage, Great Western, Ark Nova, 
), les jeux solo (Apex Theropod Deckbuilding, Nemo’s War, 7th Continent, 
)
    Autres centres d’intĂ©rĂȘt : sciences, chats
    CaractĂ©ristique : adore l’optimisation aux p’tits oignons, et oublie toujours le petit grain de sable qui va tout mettre par terre
    Citation favorite : « On ne s’arrĂȘte pas de jouer parce qu’on devient vieux; on devient vieux parce qu’on s’arrĂȘte de jouer. » George Bernard Shaw
    Instagram : @serialbgamer

    Voir toutes les publications Rédacteur
  • Jeux prĂ©fĂ©rĂ©s : Bruxelles 1893, Les aventures de Robin des Bois, Dice Forge, Ninjato, tous les jeux de Shem Philips, Path of Civilization, Watergate, Parks, Riversides, Wingspan

    Voir toutes les publications Rédacteur en chef et graphiste ad interim
  • Jeux prĂ©fĂ©rĂ©s : Donjons & Dragons et les Ă©checs

    Voir toutes les publications Rédacteur, spécialiste Jdr

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